fumée qui sortait de la cheminée de Robert et décida de retourner sur ses pas. Mais quelque chose au fond d’elle-même la poussa. Les pointes de son châle lui volaient dans les yeux, ses vêtements étaient transpercés, elle était épuisée, mais elle continua et atteignit la ferme de son père, la barrière de la cour, la porte du cottage. Elle y frappa doucement… pas de réponse. Elle regarda par la fenêtre : Robert était là, dans son fauteuil, immobile.
Il avait les yeux fermés.
Dormait-il, ou bien… ?
Elle entra. Quelle ressemblance, et pourtant quelle différence avec ce jour de printemps où elle avait réveillé Ralph Elmer avec un baiser de chatons de noisetier ! Elle ne réveillerait pas Robert de la même façon, car elle n’osait pas. Elle allait seulement s’assurer s’il était malade ou bien portant. Elle traversa sur la pointe des pieds la petite cuisine à peine éclairée par le jour naissant, avec son unique fenêtre voilée d’un rideau de pluie.
Robert avait la tête un peu penchée en avant. Son large et magnifique front semblait las. Ses longs cils, malgré lesquels il n’avait jamais eu un air efféminé, ombrageaient ses joues, qui avaient maigri depuis un an et où les pommettes fines et nettes saillaient plus qu’autrefois. Ses mains reposaient légèrement sur les bras du fauteuil, et il s’était déchaussé et n’avait aux pieds que ses chaussettes, car, pas plus que Jonathan, il n’admettait les pantoufles pour un homme.
Elle restait là, pleine de respect pour sa beauté sévère, et elle constata avec un élan de gratitude qu’il respirait régulièrement. Il n’était donc pas malade, seulement très fatigué. Quelque chose avait dû le tourmenter, pour le faire veiller ainsi toute la nuit.