fardeau de la douleur qui pèse sur son amour qui est loin d’elle, sent son souffle dans la souffrance qui l’accable, elle. Car il est certainement contre nature, il est horrible pour une femme de se donner à un homme dont la personnalité n’est pas assez haute et assez forte pour la dominer. Et s’il règne sur elle, elle doit sentir la tristesse et la joie de cet esprit, aussi bien en son absence que lors de sa présence physique.
Gillian pouvait-elle dormir durant ce dernier matin sur la terre de celui qu’elle aimait ? La maison qui rêvait, et les chauve-souris et les souris qui s’y trouvaient savaient que cela lui était impossible. Le vent du Sud, qui entrait par la fenêtre ouverte du grenier vide de Ruth, savait qu’elle ne le pouvait pas, car il soulevait ses cheveux et secouait le châle qu’elle avait jeté sur sa chemise de nuit. Et l’étoile aussi le savait, qui était suspendue au Nord, juste au-dessus de la faible lueur jaune de la fenêtre de Robert, car cette étoile lui éblouissait les yeux et lui montrait que là était l’amour. Ce rayonnement doré avait éclairé la fenêtre du cottage toute la nuit, elle le savait, car elle l’avait guettée. En s’éveillant d’un rêve étrange, peu après deux heures, à cet instant des visions et des présages, quand la vitalité est au plus bas, et que le mourant s’évade de la vie, elle avait entendu la voix de Robert prononcer très nettement :
« Gillian Rideout ! »
Non pas Elmer, ni Lovekin, mais Rideout.
Dans son rêve, elle s’était vue elle-même, gisant aux pieds de Robert dans son cottage. Il lui parlait avec bonté et lui offrait, le tenant à deux mains, le grand et lourd plat à pain ancien de sa mère, en terre de Shropshire, qui portait en haut-relief une guirlande de feuilles vertes et des épis de blé jaunes.