— Pas mal, dit Robert, seulement vous ne vous faites pas assez enjôleuse à la fin.
— Je ne veux pas, je veux faire frémir les auditeurs, les bouleverser. Je veux leur tirer les larmes des yeux, et l’argent de la poche.
— De l’argent ?
— Oh, des sacs pleins. Je ne peux être une grande dame sans argent.
— Qu’est-ce qui vous prend de vouloir être une dame ?
— Je veux avoir un diadème étincelant autour de la tête, au pieds des souliers dorés et une robe qui fasse « froufrou », comme l’herbe qui pousse, et qu’on chuchote : « Voici Gillian Lovekin. »
— Grand bien vous fasse !
— Et que des jeunes gens m’entourent et que je puisse me moquer d’eux, que l’un me dise : « Épousez-moi, Gillian Lovekin » ; et un autre : « Je vous aime à en mourir, Mademoiselle Juliana ! » pour que je leur réponde : « Allez-vous en ! ».
— Alors, vous ne les épouseriez pas ?
— Pas de danger ! Je veux entendre le public battre des mains et reprendre le refrain en chœur, comme à l’Eistedfof, et que mon cœur fasse « toc, toc », que mon visage rougisse, que je sache qu’ils pleureront quand je voudrai et riront si cela me plaît, et qu’ils se souviennent de Gillian Lovekin jusqu’au jour de leur mort.
— Dieu nous préserve ! Vous allez leur apprendre quelque chose, à ce qu’il semble, Gill. Vous êtes pas mal cruelle quand vous avez une idée en tête. J’appellerais ça torturer.
— Et quand je m’endormirai, le soir, je ne pourrai pas supporter d’oublier pendant dix heures qui je suis… et quand je succomberai au sommeil pour de bon, alors