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SEPT POUR UN SECRET…

mait qu’il venait de tuer un lapin ? Que se figurait-il donc ? Quel était ce pressentiment qui posait sur lui une main glacée, qui le pressait, d’une voix étrange et épouvantable, de retourner dans le pré des moutons ? Il était très tard quand il obéit à cet avertissement, et ce n’était pas un trajet agréable à faire, car la neige qui tombait serrée s’entassait sur le sol. La lune brillait par instant entre les nuages. Quand il atteignit la friche, il entendit un bruit de bêche… on creusait furieusement, avec hâte et pourtant avec soin. Mais avant qu’il eût le temps d’approcher, le bruit s’arrêta. Il attendit… rien, pas un son. Celui qui bêchait l’avait-il entendu ? Attendait-il qu’il s’en allât ? Il était bien décidé à rester là pour voir ce qu’il y avait à voir. Assurément, personne n’était sorti de la friche : on ne pouvait le faire sans traverser le pont, et se détacher nettement sur l’eau, car le pont était si près que, même quand la lune se cachait derrière un nuage, Robert le voyait distinctement. Il attendit… une heure… davantage… il s’en écoula deux avant qu’aucun son fût perceptible. Puis, d’un pas furtif, Ralph franchit le pont et, comme par une plaisante ironie, la lune, émergeant d’un nuage éclaira tous ses traits, tous les détails de son visage angoissé, épouvanté.

Et Robert sut, avec autant de certitude qu’il avait jamais su quelque chose, que Ralph avait assassiné Ruth puis s’était glissé là pour l’enterrer, et avait ensuite attendu qu’il fût tombé assez de neige pour cacher son ouvrage.