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SEPT POUR UN SECRET…

part, de la terre ou du ciel pâle, ou du cerveau sinistre de Fringal, surgit l’esprit du mal. Il se fit jour à travers ce qui restait de bon dans Ralph Elmer, il saisit dans ses dents et ses griffes ce que celui-ci avait encore d’honnêteté et le mit en pièces, et il chuchotait, chuchotait… autant en faisait la neige, autant les aiguilles sèches de mélèzes, autant l’eau courante. Le monde entier semblait chuchoter autour de la femme qui murmurait.

D’une voix rauque, les yeux injectés de sang, Ralph murmura également : « Qui est là ? fit-il dans un souffle. Qui m’a parlé ? »

Elle était là, cette créature vile, sans âme, et elle allait le perdre. Et quelqu’un avait dit… quelqu’un avait insinué… quelqu’un lui répétait maintenant à l’oreille : « Et si tu étais débarrassé d’elle ? »

Débarrassé d’elle ! Sous la neige ! La neige tombait à présent rapidement, en flocons serrés. Qu’elle restât simplement là, et elle la couvrirait… mais elle n’y resterait jamais, elle était si pleine de vie, si diablement pleine de vie. Elle allait rentrer et écrire… elle écrirait qu’elle était sa femme et Gillian le quitterait, Gillian ne serait plus la joie de sa vie, sa passion. Elle avait fait effort déjà pour reconquérir sa liberté… sans grande conviction. Elle lui avait presque déclaré qu’elle ne l’aimait pas. Il savait bien pourquoi, il savait quels bras entoureraient ce corps souple si ce n’étaient plus les siens. Et cette folle, agenouillée là, dans la neige, était cause de tout, et cela parce qu’elle était si pleine de vie. L’esprit du mal appuyait beaucoup là-dessus. Eh bien, ces lapins eux aussi, inertes dans sa main, étaient pleins de vie il y avait une heure. Rien qu’un coup, un coup sans souffrance, et la vie les avait quittés… ils ne lui mangeraient plus ses choux-fleurs d’hiver. Et voilà cette Ruth, sans plus d’âme qu’un lapin… et un