l’une d’elles, et son esprit éprouvait un malaise à l’idée de partager son rêve, ne fût-ce que de cette façon vague et à demi consciente. Et il ne cessait d’admirer qu’un être si maltraité par la nature, si semblable aux créatures muettes et soumises des champs, pût lui donner cet extraordinaire sentiment de repos. Il la considérait longuement d’un regard scrutateur et s’émerveillait. « Ailse aime Robert ». Quelle simplicité dans ces trois mots, et pourtant qu’ils étaient touchants ! Un moment la sincérité de Ruth fit paraître Gillian presque dénuée d’intérêt. À supposer qu’il l’eût d’abord rencontrée, jeune Bohémienne joyeuse et fière, fille du chef de la tribu, lui aurait-il voué l’amour qu’il donnait à Gillian ? Impossible de le dire. Mais à la lumière de cet amour qu’elle avait pour lui, il voyait qu’elle n’était pas laide. Le succès et le bonheur, avec un peu d’aisance, aurait presque pu lui donner une certaine beauté sauvage. Il vida les cendres de sa pipe et se leva pour partir.
— Eh bien, bonsoir Ruth, dit-il. Continuez à vous exercer, je ne pourrai pas revenir de quelque temps.
Ruth lui sourit comme d’habitude, ce fut tout. Pourquoi alors Robert avait-il les yeux pleins de larmes en s’en allant à grands pas souper tout seul au cottage, où son beau-père ne contait plus d’histoires dans une atmosphère de danger, où il avait à faire tout lui-même en l’absence de sa mère. Pouvait-il savoir que, chaque fois qu’il se rendait à une foire ou à une vente, une petite forme mince, en vêtements sombres, venait de l’auberge lui laver ses planchers ? Il écrivait à sa mère qu’il était fier de tenir la maison si propre et qu’il n’avait presque jamais besoin de nettoyer par terre. Elle souriait.
« Je me doute que je trouverai une étable à porcs en