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trophe ne se produira pas. En outre, il y avait Mme Fanteague. En revenant c’est elle qui prendrait le commandement. Dès maintenant, alors qu’elle n’avait pas encore posé le pied sur le quai en bois éventé de la halte du Donjon, sa présence qu’il voyait s’avancer résolument à l’horizon, lui était un réconfort inexprimable. Et il y avait aussi Winny, la jument, qui veillerait sur lui. Elle le comprenait très bien : secouait-il la rêne droite, elle appuyait à gauche et vice versa. Elle connaissait chaque pierre, chaque bosse de la route, le moindre chemin qui la traversait, les sentiers minces comme un fil d’araignée, les pentes à monter au pas, les endroits glissants. Elle connaissait le passage où la chaussée courait le long de la voie ferrée sur un demi-mille, juste en arrivant au Donjon — où, si Robert l’avait menée, elle aurait été nerveuse, comptant sur lui, sur sa voix et sa main ferme pour tenir les rênes — où, si n’importe quelle autre personne l’avait conduite, elle se serait emballée. Avec Jonathan elle ne se sauvait pas, elle ne se permettait ni écarts ni frayeurs. S’il l’avait laissée faire toute seule, il ne serait jamais rien arrivé. Le monde animal, comme pour compenser la malice des objets inertes, était bon pour lui, et, quand les pierres et les branches s’élevaient contre lui et le maltraitaient, les êtres vivants le réconfortaient, maternels et consolateurs.

— Je vous aurais bien accompagné un bout de chemin, beau-père, seulement j’ai à m’occuper des moutons.

— Au revoir, garçon, et Dieu te bénisse, dit Jonathan. Tout ira bien, pourvu que la jument soit sage.

Mais quand ils s’élancèrent sur la lande, il se retourna, regarda les fenêtres bien éclairées de la ferme et, secouant la tête tristement, il murmura : « Dieu me protège, pour que je puisse ramener Mme Fanteague. »