Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/338

Cette page a été validée par deux contributeurs.
316
SEPT POUR UN SECRET…

que l’on conte… » Elle considérait d’un air plein d’entrain les souffrances et les misères d’Isaïe. Quand Gillian hasarda quelle désirait rentrer chez elle (et seule elle savait que c’était Robert et non Ralph qui l’attirait), Mme Fanteague déclara qu’un père malade passait avant un époux bien portant, et qu’elle était surprise d’une telle soif d’amour, après plus de quatre mois de mariage. À quoi Gillian répliqua posément : « Je suis comme ça. » Enfin, quand Émilie luttait contre les chérubins, sa sœur prenait un plumeau pour les chasser, et la pauvre démente se rassurait.


À Dysgwlfas, cependant, Robert continuait les leçons d’écriture dans les rares occasions où Ralph était absent, Fringal occupé au dehors, et où lui-même avait un moment de liberté. C’est dans une de ces circonstances que Ruth écrivit quelque chose qui le frappa vivement. Cela lui fit même cesser les leçons à l’instant précis où il touchait au but.

C’était par une fin d’après-midi froide et humide, qui allait se terminer par une nuit lugubre. Ralph était à la Croix-des-Pleurs avec Fringal, il n’y avait pas de clients au bar. Ruth et Robert étaient seuls, assis devant le feu, et celui-ci fumait, se demandant quand il soumettrait Ralph à l’épreuve décisive. Il se pencha pour voir comment Ruth se tirait de sa besogne. Elle écrivait non dans son cahier, mais sur une feuille détachée. Elle avait écrit. « Gillian aime le maître, Ailse aime Robert » et ne se doutait pas que Robert l’avait vu.

Le rouge lui monta à la figure et il se renversa tout doucement en arrière, la guettant sous ses paupières à demi baissées qui défendaient ses yeux naturellement enfoncés et bien gardés, tandis qu’elle examinait en