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SEPT POUR UN SECRET…

La Sirène fut-il pour le moment laissé de côté, et non seulement Ailse, mais Gillian elle-même tenait fort peu de place dans les pensées de Robert, tendues vers la moisson, dont l’importance surpassait tout. Mais il se promettait d’aller au fond des choses dès qu’elle serait terminée. — Il n’y avait pas à se hâter, car Johnson ne reviendrait pas avant novembre, vu qu’il était alité avec une violente attaque de rhumatisme, dans une petite ville galloise, et hors d’état de voyager. Ainsi une paix absolue régnait sur l’auberge, sur la lande et sur la ferme.

Ralph, Fringel et Ruth avaient été complètement pris par la vie de leur maison et les difficultés éprouvées à leur arrivée s’étaient apaisées. Ralph se considérait déjà comme un second Isaïe, faisant la loi, invitant les gens à boire, tolérant mais juste, bien vu dans la noblesse et parmi les propriétaires, avec sa jolie Gillian lui tenant son ménage, gagnant tant d’argent que les piètres exigences de Fringal étaient sans conséquences, tandis que Ruth demeurait comme toujours humble, soumise et muette. Il n’aurait jamais imaginé une seconde que cet homme aux yeux gris, d’une intensité si étrange, qui menait les moutons aux foires, tandis qu’Isaïe y allait en voiture avec lui, ce garçon à la bouche calme et arquée qui pouvait si brusquement se serrer et prendre une expression implacable, en savait sur lui plus que les troupeaux bêlants qu’il conduisait ; que ce garçon avait reconstitué une partie de son histoire, qu’il croyait inconnue de tous en dehors de Fringal, si facile à acheter, et de Ruth, la muette incurable ; qu’il avait percé à jour son caractère avec une précision parfaite et qu’il le guettait en silence, mais de façon impitoyable, lui laissant le temps de se compromettre et n’attendant avec patience que pour le mettre