ramasser du bois pour le feu ! Et comme Robert et Gillian étaient contents que celle-ci fût avec eux ! Sinon, comment Mme Elmer de La Sirène et le vacher de son père auraient-ils pu prendre le thé ensemble dans la lande, si Ruth n’avait pas été là pour donner à cette réunion l’air d’un pique-nique ordinaire ? Quelle tristesse enfin, quand ces bêlements assourdis et incessants, qui annoncent le retour de moutons égarés, retentirent faiblement sur la bruyère, d’avoir à ramasser tous les ustensiles du thé et de se séparer !
Mais cette journée donna un prodigieux élan aux progrès en écriture et, bientôt, Ruth sut écrire Esmeralda.
C’est vers la fin d’août que Gillian obtint un triomphe. Soudain, en effet, un dimanche soir où Elmer était à l’église, sans Gillian qui avait prétexté une migraine, Ruth, après avoir écrit trois fois Esmeralda, écrivit « Als » sans l’aide de Gillian. Elle écrivit d’abord « Als », puis, non satisfaite, elle ajouta un « e ». Alors Gillian, qui lui avait enseigné le son des voyelles doubles, dit : « Y a-t-il encore une autre lettre dans ce nom ? » Sur quoi Ruth l’écrivit encore avec un « i », et on put lire : « Ailse ».
Gillian plia la feuille, la mit dans une enveloppe et envoya Ruth la porter au cottage où Robert était seul. Il accourut à toute allure à travers champs.
— Je ne vous ai pas dit ce nom-là, n’est-ce pas ? demanda-t-il à Gillian.
— Pourquoi me l’auriez-vous dit ? Je n’ai jamais connu personne de ce nom-là. Et vous ?
Robert était frappé de stupeur par l’étrangeté du destin. Car c’était là une mémoire d’oiseau ou d’écureuil, une mémoire non éduquée et s’exprimant avec une extrême difficulté. Le nom d’Esmeralda n’avait pas été