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de sa femme. Jonathan songeait aux tours que lui joueraient les harnais, aux grilles qui lui taperaient dans la figure, et au nombre de fois qu’il laisserait tomber le fouet, il pensait aux milles de lande obscure et gémissante qu’il aurait à traverser pour ramener Mme Fanteague et sa malle aux coins aigus (toujours à la merci du ciel et plein de méfiance contre les objets matériels), et il soupirait. Abigaïl aurait un bon bol de thé tout prêt pour lui quand il rentrerait : « Si je rentre », corrigeait-il. Avec un fatalisme, devenu la dominante de son caractère, il considérait le pire comme la seule chose qui eût chance de se produire, et s’il se tournait le pied ou tombait du haut d’une charrette de foin, il se contentait de dire : « La volonté de Dieu soit faite. »

Quand il ouvrit la porte de l’écurie, une bouffée de vent éteignit sa lumière, la porte claqua et lui pinça les doigts. Il n’avait pas d’allumettes et le temps pressait, car on ne faisait pas attendre Mme Fanteague. Il éleva la voix :

— Robert Rideout ! Robert Rideout !

Son cri aigu s’en alla à travers le parc, jusqu’à la cour des meules et fit rouvrir à moitié des paupières baissées. L’écho erra désespérément sur la lande environnante qui, au coucher du soleil, s’était assombrie comme un front qui se plisse.

Robert ne paraissait pas.

— Parti pour la solitude, se dit Jonathan. Quel garçon ! Ah, quel sacré bon à rien ! Jamais là pour vous donner un coup de main. Toujours à rêvasser dans les nuages !

— Qu’est-ce qui vous arrive, beau-père ? dit une voix grave et calme. Qu’est-ce que vous fabriquez là, tout seul, devant cette porte noire ?

Jonathan poussa un soupir de soulagement, rassuré,