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SEPT POUR UN SECRET…

agiles de Ruth. La longue fenêtre basse donnait du côté de Dysgwlfas et Gillian avait été heureuse de le constater. Car quelquefois, au petit matin, dans le pré qui montait vers la lande, quand il n’y aurait pas de brouillard, elle apercevrait une mince silhouette noire sur le clair tapis vert… et ce serait Robert.

Quand Ruth lissa le drap blanc et ferma la fenêtre pour la nuit, puis sortit de la pièce, elle plaignait Gillian, et en montant l’escalier du grenier elle était heureuse pour son compte, heureuse de la joie sauvage et instinctive d’un oiseau. Car elle n’aurait plus à descendre en tremblant dans l’obscurité pour aller dans la chambre d’Elmer. Elle pourrait désormais se consacrer tranquillement à son culte pour Robert.

L’ironie du destin, bien entendu, ne les frappait pas, cette étrange ironie qui voulait que deux femmes, qui aimaient de toute leur âme, de tout leur cœur l’homme du cottage de Dysgwlfas, dussent habiter avec celui du Repos de la Sirène. Mais pour Fringal l’ironie n’était jamais perdue. Rien ne lui échappait jamais, et le Bouffon sardonique trouvait en lui un parfait auditeur.

Il était assis sur son lit dans l’obscurité, fatigué, mais pas trop pour rire : il laissait son esprit se pénétrer de la curieuse situation, du moindre détail, de tous les bizarres détours, et il en savait plus là-dessus que personne, même que les protagonistes. Et alors, — en silence, parce que son maître dormait dans la chambre au-dessous — il riait, il était secoué de rire, se frappait les cuisses — toujours sans bruit — puis se tordait de nouveau. La vieille maison, plongée dans le silence, semblait écouter, semblait guetter et attendre, et se résumer en lui, Fringal. À l’étage au-dessous, Elmer étendu tout éveillé, était torturé par le désir physique. À côté, Ruth était à genoux dans une extase