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SEPT POUR UN SECRET…

à la brise. Alors, dès qu’elle eut fini, elle garda le bout qu’elle tenait et se mit à l’enrouler sur une bobine d’ivoire. Car elle disait : « Le vent qui souffle annonce la tempête et il ne faut pas que la pluie mouille la laine. » Mais tandis qu’elle tirait, autre chose tirait en sens inverse, doucement, mais obstinément, et cela l’entraîna à travers la pièce et la fenêtre, dans le jardin et sur le chemin, et la voilà partie dans les champs, et elle fut emportée tout droit au pays des fées, si bien que le prince a fini par l’avoir.

Quelle étrange résonance, comparable à celle de nombreuses cloches lointaines, éveillèrent dans l’esprit de Robert ces cinq mots si simples : « Il a fini par l’avoir. » Il l’a eue, mais aussi c’était un prince-fée, ce n’était pas simplement Bob des Gwlfas, habillé d’une culotte de velours et d’une veste rapiécée, impuissant à profiter des circonstances. Mais était-il sans pouvoir ? Et si son soupçon grandissant au sujet de Ruth se confirmait ? Alors… ? Eh bien, alors, l’homme qui se dressait entre Gillian et lui était entre ses mains. Un mot à Johnson… est-ce qu’après tant d’années de souffrance, après un pareil drame, Johnson pardonnerait-il ? Robert savait que non. Peut-être, une fois écarté le personnage plus éblouissant qu’était Elmer, Gillian lui reviendrait-elle, et Johnson récompenserait Robert, car il était riche. Personne, à le voir, ne l’aurait cru, mais il était très à son aise. Ou bien Robert pourrait faire payer son silence à Elmer, à moins que cela dût faire du tort à son ami. Il pourrait aussi exposer la situation à Elmer, exiger le don de l’auberge pour le laisser partir et attendre pour prévenir Johnson qu’Elmer eût traversé la mer. Mais alors, Gillian n’en serait pas moins mariée… à moins que… Et son père ne lui permettrait pas de vivre avec son berger. Toutes les issues étaient fermées.