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SEPT POUR UN SECRET…

sa mère, et son cottage, et ses bottes de laboureur, ses mains rudes, le brin d’herbe qu’il tournait dans ses doigts, les agneaux apprivoisés qui l’attendaient dans le verger. Tous les jours il les prenait dans ses mains, tous les jours leur laine raide et serrée sentait — et continuerait à sentir — la caresse de ses doigts. Tandis qu’elle… elle devrait se contenter d’une légère touche des doigts, et peut-être d’un mot de temps à autre, et du bruit de son rire ou de son pas. C’était tout. Elle tendit la main

— Au revoir, Robert, dit-elle.

Et Robert sentit que, s’il attendait un moment de plus, il la saisirait tout simplement dans ses bras et s’en irait, par delà la lande, par delà les montagnes, par delà les limites du monde.

Il posa les mains sur la barrière et sauta de l’autre côté.

— Bonne nuit, Gillian Lovekin, bonne nuit, et Dieu vous protège !

Il était parti.

Au cottage, l’esprit de Jonathan travaillait toujours sur le mystère du piano.

— Un cadeau venant d’un inconnu, disait-il, ça ne porte pas bonheur à une fiancée. Écoutez. Il y avait, il y a bien longtemps, une dame qui aimait un lord. Mais un prince du pays des fées la vit un jour qui cueillait des groseilles dans son jardin. « Sa bouche, dit-il, est aussi rouge que les groseilles, il me la faut. » Et il prend et lui envoie comme cadeau de noce un écheveau de laine blanche de fée. Or, c’était une dame très travailleuse et, bien que le mariage fût tout proche, elle prit cette laine et se mit à la filer. Mais quand elle fut en train, le bout partit, flottant par la fenêtre, et plus elle filait plus il en sortait une quantité qui s’étendait