lui secouait le bras lui était un plaisir, il était heureux quand le dernier provoquait le craquement final, quand les rameaux entourés de lierre gémissaient sous la scie. Au bout de quelques heures, il était environné de débris, les branchages gisaient en désordre, le déchet des années, vieux nids, vieilles feuilles, brindilles mortes, tombaient en poussières qui lui emplissaient les narines.
« Eh bien, se dit-il avec ironie, en s’asseyant sur un tronc abattu pour casser la croûte à dix heures, si je ne fête pas le premier Mai en me promenant avec Gillian, je le célèbre à ma façon. »
Et se relevant au bout de quelques minutes, il attaqua le plus gros tronc qu’il put trouver. Il y était si absorbé qu’il n’entendit pas la voix de Gillian Lovekin qui retentissait par-dessus les prairies, venant de la bergerie. Légère et inquiète comme celle d’une fée égarée, elle s’éleva trois fois :
« Robert Rideout ! Robert Rideout ! Robert Rideout ! » puis se tut. Il y avait dans cet appel une impatience qui se percevait malgré la distance. Mais, au milieu des coups de sa hache qui éveillaient un écho, avec le craquement des branches et dans le nuage de poussière qui l’enveloppait, Robert n’entendit rien et, comme personne ne savait où il était, personne ne vint le déranger, jusqu’au moment où, deux heures plus tard, une voix l’interpella venant de l’autre côté de la haie.
— Il est bien tard pour tailler.
C’était le Bohémien Johnson qui levait sur Robert ses yeux chocolat, comme un chien fidèle.
— C’est vrai, acquiesça Robert sans manifester de surprise, car c’était pour Johnson l’époque du départ pour le pays de Galles et, d’ailleurs, il s’étonnait rarement.