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SEPT POUR UN SECRET…

rendus à sa belle, car les campagnard ne sont jamais insensibles à la poésie quand elle est véritable, qu’elle s’exprime en paroles ou en actes. Ce n’est pas chose rare, sur la frontière galloise, de voir un vieux laboureur, devenu prédicateur le jour du sabbat, ému aux larmes par la beauté des psaumes d’Isaïe. La façon de faire d’Elmer, c’était son inspiration poétique bien à lui, et on la considérait comme une preuve de sa droiture.

Un jeune fermier, regardé en général comme « près de ses sous », disait que c’était la conduite d’un imbécile et qu’il aurait pu avoir Jane Chips pour une couple de faisans. Mais il était vite rembarré par un autre qui lui lançait :

— Hé ! mais, qu’est-ce que c’est que Jane Chips ? Une cruche qui a été trop souvent à l’eau, une pauvre créature. Tandis que Mlle Lovekin… ma foi, j’ai moi-même failli y songer… beaucoup de bon sang rouge, un joli rire, et innocente comme l’enfant qui vient de naître.

— Tu ne pourrais pas te la payer, mon garçon.

— Je pourrais, comme je ne pourrais pas. Mais, apparemment, ce n’est pas la peine d’y penser.

En attendant, Isaïe disait « Ha ! » à la vue des présents ; Jonathan luttait et plaisantait avec Fringal à la grille d’entrée, Mme Makepeace soupirait pour son fils, le cœur de Gillian voltigeait, se réjouissait et faisait des projets, Elmer, sans selle ni bride, mais avec des éperons rouges de sang, les genoux serrés sur les flancs de son cheval haletant, descendait le chemin comme un tonnerre, et Robert, sans éperons, mais à une allure encore plus rapide — bien que le grondement de sa course fût étouffé — luttait contre son amour et sa haine dans le pré lointain.