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SEPT POUR UN SECRET…

même, qu’il aime ou non, une femme qui ne s’est pas absolument donnée n’est pas absolument elle-même : son œuvre est boiteuse et aveugle. Elle n’a pas perdu sa vie, donc elle ne l’a pas trouvée. Robert pouvait encore composer son poème sur Dysgwlfas, bien que son cœur fut déchiré pour Gillian. Mais Gillian n’avait plus de goût à chanter depuis qu’elle était devenue amoureuse de Robert, ce qui était arrivé tandis qu’elle faisait la croix d’épine, et sans qu’elle en sût rien. Son subconscient peut-être ne l’ignorait pas, mais elle ne l’écoutait pas. Elle avait dans le cœur une faim qu’Elmer apaisa. Robert ne s’occupait absolument plus d’elle, aussi, étant une créature vive et ardente, prit-elle le chemin le plus brillant. Mais chaque fois qu’Elmer en la quittant l’embrassait furieusement, elle, les yeux clos, et se concentrant en dedans, se disait : « C’est Robert ! C’est Robert ! »

Tous les soirs, quand elle fermait les yeux dans sa petite chambre des Gwlfas, elle se plongeait dans l’extase en se rappelant les baisers d’Elmer associés aux regards de Robert. Elle voyait toujours Robert en colère, avec des yeux qui lançaient des flammes, et c’était pour son imagination une minute de triomphe quand elle avait réussi à fondre en un l’amour ardent d’Elmer et l’expression courroucée de Robert. Quoi qu’elle eût pu penser ou deviner dans le passé, elle ne croyait pas maintenant que Robert l’aimât. Comme la plupart des femmes, elle était l’être du moment présent. Si Robert était épris d’elle, il lui offrirait des cadeaux, des créatures vivantes, des objets de bois ou de métal, des choses qu’elle pourrait voir. D’ailleurs elle ne pourrait jamais épouser Robert. Comment se résoudre à dire « mère » à Mme Makepeace, qui commençait maintenant à l’appeler « Mademoiselle » ? Quelle