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SEPT POUR UN SECRET…

ment et complètement amoureux. Quand il était avec Gillian, il sentait ce qu’éprouve parfois l’amateur passionné de fleurs et de feuillages, qui se désespère de l’impossibilité où il est de posséder absolument la créature bien-aimée. Que la créature soit une fleur ou un être humain, l’aspiration et le désespoir sont les mêmes. « Ne touchez pas, ne goûtez pas, ne maniez pas », ce ne sont pas des formules pour les amoureux et pour les mystiques. Ces derniers, si le chemin qui les mène à Dieu passe par la nature, ne se contentent pas de regarder. Ils veulent les sensations les plus directes, les plus chères, les plus primitives et les plus spirituelles. Ils éprouvent le besoin de s’agenouiller et de cueillir la beauté, de la saisir, de l’embrasser. Il faut même qu’ils la mangent et la boivent, qu’il l’absorbent et s’en nourrissent. C’est ainsi que Robert commença par s’emparer de l’esprit de Gillian, et qu’Elmer lui prit les mains, se jeta à terre et lui étreignit les pieds, enroula ses cheveux autour de ses doigts, lui donna des baisers et, non content de cela, l’implora avec des yeux avides. Et Gillian, déjà amoureuse de Robert, le devint de la passion. Quelle femme — pour peu qu’elle soit femme — n’en fait pas autant à un moment quelconque de sa vie ? Quelle femme n’est heureuse et fière de devenir la sœur du narcisse soigneux, de la délicate anémone, d’être désirée ? Car la grande carrière de la femme, c’est l’amour — à la fois spirituel et physique (les deux ne font qu’un) — et le couronnement de cette carrière, c’est un enfant. Quoi qu’elle puisse être en dehors de cela, et obtenir ou créer, elle mourra, si ces biens lui manquent, avec le sentiment d’un échec.

Pour un homme, il n’en est pas toujours ainsi. Le génie d’un homme est égocentriste, celui d’une femme altruiste, fait pour l’abnégation. Un homme est lui