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construite en beau grès tendre et ancien, de ce rouge éteint et fané par les mauvais temps, qui prend une beauté indescriptible aux rayons obliques de l’aube et du couchant, comme s’il irradiait la lumière qui le touche.

C’était le soir, uniquement dans le sens où l’on emploie ce mot, dans ce pays frontière, pour désigner n’importe quelle heure après midi. Ce n’était pas encore celle du thé, bien qu’on le préparât déjà. Parmi les meules qui flambaient sous le soleil, rappelant les nuances orange, brune et jaune d’août avant la moisson, des linottes se régalaient et cherchaient pour la nuit leur abri coutumier, et un ou deux linots de montagne attardés continuaient leur petite lamentation mélancolique dans la haie d’épine noire défleurie. Les merles commençaient à gonfler leurs plumes, en s’installant douillettement et en fermant leurs paupières. Ils criaillaient, mécontents et anxieux de trouver chacun son secret nirvâna. Venant des chaumes qui mettaient comme une petite pièce d’or pâle sur la lande immense, un vol d’étourneaux passa en coupant l’air avec un bruit de soie déchirée.

La cour des meules était au nord du parc à moutons, la maison au sud, bornée à l’est par les bergeries, la vacherie et les écuries. À l’ouest se trouvait le verger et au delà le cottage, qui, dans ces endroits isolés, est toujours construit après la ferme. L’ensemble formait un aimable petit village de quelque cinq cents âmes — si l’on admet que les dindes aient une âme — et en comprenant les brebis quand elles étaient parquées près de l’habitation, à l’époque de l’agnelage. Fallait-il compter aussi les passereaux, linottes et étourneaux, Gillian de Dysgwlfas avait souvent des doutes à ce sujet. Ils chantaient et volaient, ce que nul ne peut