couper et à beurrer les tartines, n’avait pas fini de boire.
— Oust ! dit-il.
Elle se leva et se dirigea vers la porte.
— Elle n’a pas terminé, cria Gillian, et pourquoi lui parlez-vous sur ce ton ?
Les yeux d’Elmer se posèrent avec colère sur ceux de Gillian, s’y attardèrent, s’adoucirent.
— Finis ! ordonna-t-il à Ruth.
Il semblait incapable de lui dire plus d’un mot à la fois et toujours impératif.
Elle se rassit et avala son thé et sa tartine à peu près comme les Israélites ont dû manger la Pâque. Gillian, dont la curiosité tempérait l’égoïsme, l’observait et remarqua que des gouttes de sueur perlaient sur son front. La dernière bouchée non encore avalée, elle se leva et gagna la porte, comme heureuse d’échapper aux yeux étincelants d’Elmer. Celui-ci vint s’asseoir à côté de Gillian.
— Pourquoi parlez-vous à Ruth sur ce ton ? répéta-t-elle.
— Cela ne vous regarde pas, Gillian.
— Si, du moment que je désire le savoir.
— Si je vous le dis, me donnerez-vous encore un baiser avec les chatons de votre bouquet ?
Gillian réfléchit. Elle n’avait pas aimé sentir la figure d’Elmer appuyée contre sa poitrine : elle en avait eu chaud et avait éprouvé une impression gênante. Elle se demandait si cela lui aurait autant déplu, au cas où c’eût été le visage de Robert au lieu de celui d’Elmer. Mais on ne pouvait guère se représenter le calme et froid Robert dans cette situation.
Pourtant cette étreinte avait piqué sa curiosité, et Gillian désirait vraiment être plus renseignée sur Ruth, qui éveillait en elle le même frisson d’étonnement