Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses affaires. Au lieu de se rappeler de façon précise à combien de shillings, de penny et de liards s’arrêtait d’habitude un autre enchérisseur dans les foires, il se souviendrait du sourire de Gillian. Au lieu d’être exact à une minute près, comme il en avait la réputation, il passerait son temps à courir à la ferme ou à rencontrer Gillian dans les sentiers ou quelques creux perdus de la lande. Ce ne serait pas possible… Pourtant elle était là, brillante comme un géranium, ardente, timide, attirante et rebutante à la fois. On n’aurait pu trouver contraste plus complet avec Ruth.

En pensant à celle-ci son front se rembrunit. Et puis il y avait le vieux… Lovekin, qui ne tolérerait pas un flirt ne se concluant pas par le mariage. Quand une jeune fille sort avec sa « connaissance », il faut qu’elle aille bientôt à l’église avec lui, sous peine d’être perdue de réputation. Non, ce ne serait pas possible.

— De la sauce, monsieur Elmer ? C’est moi qui l’ai faite.

Elle était là dans cette robe bleu lavande qui faisait si bien valoir la fraîcheur de son teint, rougissant, riant, penchant vers lui sa poitrine ronde, ses épaules à la courbe harmonieuse, et cette odeur de violettes qui semblait son haleine naturelle. Elle avait acheté à Silverton un flacon de parfum à la violette, mais comment un homme pouvait-il penser à cela quand les seules femmes qu’il eût intimement connues étaient sa mère, une austère Méthodiste qui avait horreur de toutes les coquetteries féminines, et Ruth… imaginer celle-ci avec un flacon de parfum, c’était à confondre la raison. C’était pour cela qu’il la considérait comme une ménagère convenant bien à un homme avide de réussir : elle avait l’utilité d’une femme sans aucun de ses artifices.