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elle lisait les romans de la jeunesse de sa tante Émilie, volumes poussiéreux, rongés par les souris, aux illustrations cocasses.

Une fois-là, Isaïe ne put résister à trier toutes les pommes, puis il se tint debout à la fenêtre et contempla son jardin, la route, les champs, la tache pâle que formait les buissons d’épine noire dans la petite friche, le joli ciel printanier. Ses haies étaient toutes bien taillées, l’ouvrage avancé partout, les moutons en bon état ; Gillian revenue était sans doute en train de lui préparer son thé, le soleil était chaud… Il se pencha sur le haut appui de la fenêtre, oisif et satisfait. Tout à coup il tressauta.

— Quel tintamarre ! dit-il, et il regarda ce qui faisait ce fracas de sabots de cheval, ce bruit de pierres roulant.

C’était Elmer qui passait au galop devant la ferme, comme un possédé, courbé en avant, mince et ardent, cravachant sa bête pour lui faire donner tout ce qu’elle pouvait. En le suivant des yeux tandis qu’il disparaissait sur la route, Isaïe vit qu’il montait à poil, et soudain il comprit le sens de cette exhibition… une joie profonde et silencieuse l’envahit.

— Quel malin ! Eh bien, si jamais j’aurais… Deux, trois mots de moi, et tout ce tintamarre ! Il montre ses talents, voilà l’affaire. Bon Dieu, s’il ne se casse pas le cou dix fois, c’est exactement le gendre qu’il me faut. Penser que mes quelques mots… bien, bien, semence tombée dans une bonne terre ! Ce pauvre cob doit croire qu’il aura ce soir son écurie en enfer. Quel dommage, quel dommage que Gillian n’ait pas été là ! L’amour serait né ! Ma foi, si j’avais été capable de monter comme ça, je n’aurais pas perdu deux ans à obtenir que sa mère me suive à l’église. Eh bien, j’ignore à quoi il est bon en dehors de ça, mais pour sûr ce