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elle. Elle trouva trois perce-neige dans la longue plate-bande qui courait au pied de la haie du verger, si blanches, d’un vert si brillant, qu’elle les cueillit et les épingla à sa robe, par défi, car elle savait qu’elle aurait dû les garder pour la croix de M.  Gentil.

De très bonne heure, le lendemain matin, elle se glissa dehors et appela Robert, de ce long sifflement aigu qui leur était familier à tous deux.

« Oh, si nous fêtions ensemble le mois de mai ! » chantait-elle, tandis qu’ils s’élançaient à travers les champs glacés, mais elle cessa brusquement en se souvenant que c’était une des chansons du pauvre M.  Gentil.

Il faut avouer qu’elle esquiva la cueillette des branches épineuses.

— Vous pouvez atteindre tellement plus haut que moi, dit-elle. Et Robert coupa une quantité de branches, non parce qu’il était dupe, mais parce qu’il aurait eu horreur de voir Gillian se piquer les mains. Celle-ci d’ailleurs mit sa colère de côté pour ce matin-là et redevint elle-même.

— Ce n’est pas tellement sauvage ici, avec vous, Robert, dit-elle. Pourtant je ne ferai plus jamais, jamais, que vous dire « bonjour » et « bonsoir », et vous savez pourquoi.

— Je voudrais vous éviter toujours tout souci, Gillian, et pas seulement dans la petite friche, répliqua Robert, en hachant un rameau d’épine noire, pour que Gillian ne vît pas l’éclair d’amour qui luisait dans ses yeux.

— Je suis une enfant du péché, lança-t-elle d’un ton léger. Ils m’ont fait tomber de mon berceau et il est probable qu’ils m’atteindront encore.

— Je ne les laisserai pas faire, Gillian.

— Il n’y a pas de formule magique pour les écarter.