— Non, il est à peine six heures.
— Je vais le préparer, j’ai une faim de loup.
— Tout va bien à Silverton ?
— On ne peut pas dire très bien, père.
— Ah ?
— Ma tante Fanteague est très bien.
— Mais pas tante Émilie ?
— Elle a eu un gros chagrin…
— Hein ?
— M. Gentil est mort.
— Ha ! Je m’y attendais… il avait bien besoin de mourir ! Il aurait dû épouser la petite.
— La petite, papa ?
— Petite pour moi, oui ; elle est plus jeune que moi, tu sais.
— Ma tante Fanteague ne cessait de répéter qu’il n’avait aucune raison de mourir. Elle a dit ça d’abord, et puis après elle m’a crié : « Tu n’avais pas besoin de l’entraîner sur la rivière. » Elle m’en étourdissait les oreilles, comme un coucou qui chante.
— Tu l’as donc entraîné ?
— Papa, je ne pouvais pas rester toute la journée à la maison. Quand un monsieur vous dit : « Venez sur la Severn », que peut répondre une jeune fille ?
— C’est vrai.
Gillian posa brusquement le plateau sur la table et mit ses bras autour du cou de son père.
— Je vous aime bien, papa.
— Très flatté, ma foi.
— Papa…
— Eh bien ?
— Puisque ma visite à tantine a été une déception, voulez-vous me permettre d’aller étudier le chant ?