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l’art de faire des « pennillions », c’est-à-dire ces petits poèmes en usage au Pays de Galles. Quels que soient les chagrins qui traversent sa vie, et dans les pires moments de sa détresse, Robert Rideout se laisse aller à chanter. Et c’est parce qu’il chante qu’il accepte que la vie lui soit dure ou que Mlle Gillian Levekin lui soit cruelle. On sent bien qu’il y a là un sentiment qui a dû être en quelque chose celui de Mary Webb. Elle n’écrivait pas des « pennillions », mais elle écrivait des romans. Et dans ses romans, elle se livrait à cet autre chant, qui est la création romanesque, la vraie, celle qui consiste à organiser un monde avec ses propres sentiments ; non pas à se raconter dans une autobiographie plus ou moins déguisée, mais à donner à chacun de ses sentiments éprouvés ou rêvés, sentis ou latents, à chacun de ses désirs, à chacune de ses passions, même à celles qu’on aurait pu avoir et qu’on n’aura jamais, une forme vivante, un nom, un aspect réel, une destinée. Voilà le signe distinctif des vrais romanciers, voilà celui qui distingue, comme les autres, Mary Webb. Car Robert Rideout n’est qu’une des apparences de Mary Webb et il aurait fallu bien des Robert Rideout pour épuiser le pouvoir d’animation de Mary Webb.

Mais ce pouvoir d’animation, je le répète, s’exerce surtout quand l’homme entre en communication avec les choses. Il y a, dans Sept pour un secret…, une page très significative à ce sujet, une page dans laquelle elle a l’air d’expliquer elle-même son esthétique. Il est rare qu’un écrivain fasse son propre commentaire dans un livre. C’est ce que nous trouvons ici.