— Ça me rappelle l’histoire du pauvre Joey Linny, la bonne âme. Il avait l’habitude d’errer partout et un jour il est tombé sans s’en douter dans un triple cercle magique, et les fées se sont emparées de lui. Ah, on dit que c’était comme ça dans le temps passé. On brûlait les sorcières alors, on les jetait à l’eau et Dieu sait quoi. Ah, c’était différent. Sur toutes les routes, les fées attrapaient le pauvre Joey Linny, et les voilà parties. Mais on dit que maintenant, bien des fois, à l’époque du battage, vers le soir, quand il fait un peu mauvais, on aperçoit à la fenêtre une face blanche et pointue, avec une mèche de cheveux qui flotte au vent et elle crie :
Ninny, Ninny
Pauvre Joey Linny !
Voilà ce que deviendra ton Robert, retiens ce que je te dis.
— J’imagine qu’elles courront d’abord après toi, Jonathan, mon cher, fit Mme Makepeace en riant ; elles trouveraient notre Bob trop vigoureux pour elles.
Quand la vaisselle du premier déjeuner fut lavée, le dîner mis à mijoter et le feu couvert, quand Jonathan fut équipé et que Mme Makepeace eut enlevé l’épingle de sûreté de sa robe, ils partirent. Robert, revenant avec les agneaux sauvés, après avoir jeté un coup d’œil aux brebis, s’assit très satisfait devant son déjeuner tardif. Il estimait que sa lettre retiendrait Gillian où elle était jusqu’en Mai, qu’entre temps un type volage et « je me moque de tout » comme Elmer, nouveau venu dans le pays, aurait sûrement trouvé une bonne amie et tout irait bien. Quoi qu’il pût arriver, Robert était bien résolu à empêcher qu’Elmer épousât Gillian. Sa besogne finie, et une fois qu’il eût mis son costume