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Toutes les persienncs étaient closes au Repos de la Sirène et Robert fut attristé en pensant que la grosse patronne, si gaie, si maternelle, ne ferait plus tinter ses verres. Il détourna les yeux sur le petit taillis, sur la friche, toujours aussi sauvage, quoique la neige eut disparu. Une flaque d’eau au pied, une tache de mousse d’un beau vert sur le côté, une teinte vaguement jaune sur ses branches de mélèzes où les bourgeons commençaient à se gonfler… pourquoi alors était-elle si lugubre ? Ce devait être pour le motif qu’il avait dit à Gillian : le mal était passé par là — ou s’y répandrait — une horreur, violente et féroce comme quelque énorme bête, crèverait le sol, ravagerait la contrée. Et de nouveau, comme une cloche qui l’avertissait, lui venait l’intuition qu’il verrait cet événement, qu’il avait à lutter contre un danger formidable, ici même, aux portes de chez lui.

Il avançait d’un bon pas à travers les flots de bruyère brune, les fougères mortes et les genévriers secs. Des pluviers gémissaient doucement, toujours d’un peu loin, un faucon plana quelque temps au-dessus de sa tête, puis s’éloigna. La solitude de la lande et des collines oppresse certaines natures en hiver, mais elle ne troublait pas Robert. Pas une voix de berger ou un bêlement de mouton, pas un gazouillis ou un chant d’alouette, rien que des ruisseaux grossis par la neige, courant sur leurs lits de rochers, des pluviers s’écartant comme des âmes en peine et le faucon ne faisant pas plus de bruit qu’une feuille. Un pays pour les hommes, n’ayant rien de doux ou de féminin pour lui rappeler Gillian, excepté un nuage blanc qui glissait lentement sur le ciel pâle, portant comme une annonce de printemps, et qui semblait fait de narcisses ou de perce-neige éblouissants, serrés les uns contre les autres, comme