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les messieurs, des favoris et tous, des vêtements d’une étrange raideur. C’étaient, lui dit-on, les grands-parents et arrière-grands-parents de ses tantes. Elle se félicita de ne les avoir pas connus. Des vases d’immortelles ornaient la cheminée. Dans un coin, un cylindre de métal peint — des soleils sur fond brun — contenait des roseaux. Un des murs s’ornait de « Fidélité » de Landseer, un autre, de son « Troupeau dans la montagne », un troisième, d’une nature morte par la tante Émilie jeune (pommes, et reines-marguerites dans un vase), et le quatrième, de « Enfin seuls ! ». Sur le piano, de la musique religieuse.

— En ta qualité de voyageuse, dit Émilie, ma sœur t’excusera, j’en suis sûre, de rester comme tu es. Du sucre et du lait ?

— De tout, ma tante, s’il vous plaît.

C’était bien cela : elle voulait de tout. Elle prendrait du sucre, du lait, de tout ce qu’offre la vie, elle supporterait tout, même la souffrance, seulement jamais, jamais elle ne serait comme sa tante Émilie… plutôt mourir. L’atmosphère de la maison l’oppressait, tant elle était morne. Elle était habituée aux « Ha ! » de son père, aux pas de Robert dans la cour, à un bruit de chaînes venant de la vacherie et à des piétinements de sabots dans l’écurie, accoutumée à une odeur de bière et de tabac fort. Ici il n’y avait qu’un vague parfum de camphre ; le pain et le beurre eux-mêmes le sentaient, comme si on les avait coupés et préparés pour un thé des personnages moisis pendus aux murs, il y avait très longtemps, et conservés. Mais Gillian avait encore faim à cette heure tardive ; aussi le camphre et le gâteau à l’anis, la confiture de coing et les petits biscuits, tout lui parut également délicieux. Elle regrettait que Robert ne pût s’en régaler avec elle. Que