— Oui, vous avez réussi par une lâche et dégoûtante rase de femme. Je voudrais pouvoir en faire autant aussi facilement, lança Robert, avec un brusque éclair de colère dans les yeux.
— Et quel serait votre moyen ?
— Ah, ça, Mademoiselle Gillian, c’est peut-être le secret qui n’a jamais été révélé.
Avec une expression farouche et sombre, il lui tourna le dos et ne la regarda plus, jusqu’à ce qu’ils eussent dépassé les trois haltes dans les bois et fussent près de l’embranchement. Il avait peur, affreusement peur de forces insoupçonnées jusque là qu’il sentait en lui, d’une sauvagerie qui sommeillait dans son âme, contenue, mais assez forte pour briser toutes les chaînes. Comme ils entraient dans la gare de l'embranchement, il se retourna vers elle :
— Gillian Lovekin, dit-il, je vous avertis ; ne jouez pas trop aux « jeux de Mai » avec moi. Je vous le déclare tout net, je ne le supporterai pas.
De son coin elle lui lança un coup d’œil, tremblant un peu, puis elle sauta précipitamment sur le quai.
— Arrivez, cria-t-elle. Aux buns, à présent, et au cake, et au thé. Hop ! Darby et Jeanne, au buffet !
Robert ne put s’empêcher de rire. Et il eut beau, par la suite, reprendre son air de réprobation, Gillian sentit qu’elle avait son pardon. Ils allèrent au seul salon de thé de l’unique rue, La petite vitrine arrondie était remplie de cerises à l’eau-de-vie et de berlingots, de corbeilles vertes pleines de thé portant des hiéroglyphes dorés, de buns, de croquets au gingembre, de lacets de bottines en cuir, de dés et d’oranges. À l’intérieur une dame en tablier leur dit avec un large sourire :
— Joli temps pour des amoureux, ce qui raviva la colère de Robert.