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Sir John Macdonald n’est pas un orateur dans le sens ordinaire de ce mot ; et cependant peu d’orateurs savent captiver un auditoire et commander l’attention de la Chambre d’une manière aussi absolue, aussi magnétique, que le premier ministre. Sans doute, beaucoup de cette attention est due au fait que c’est « Sir John » qui parle, chacun voulant savoir ce que le vieux chef va dire ; mais il y a, en outre, l’attrait de la forme, caractéristique chez Sir John, et la précision de l’idée, qu’il exprime toujours avec le mot propre. Voilà ce qui lui fait un genre à part, dans lequel il excelle et que nul autre dans notre parlement n’a su approcher ; c’est un genre plus en faveur dans le parlement impérial que dans le nôtre. Sir John n’a pas d’abondance de parole : au contraire, il cherche souvent le mot, probablement à dessein ; il se borne plutôt à dire exactement qu’à orner son discours de fleurs de rhétorique, ce qui fait qu’il n’est jamais embarrassé. L’esprit et l’humeur abondent dans ses discours, sans en exclure la sagesse. L’anecdote y trouve toujours sa place et ne manque jamais de provoquer les applaudissements. Personne mieux que lui n’est habile à analyser rapidement le discours d’un adversaire et à en faire ressortir, avec faveur ou sarcasme, les parties remarquables ou faibles. Sa voix n’est pas forte, mais elle s’élève avec son sujet et se fait entendre jusqu’aux coins les plus reculés de la Chambre ; quand les circonstances sont solennelles, elle prend parfois, comme lors du débat sur la question des Jésuites, une ampleur qui étonne et impressionne vivement. Presque toujours, Sir John a l’air de plaisanter, souvent même quand tout le monde se laisse emporter par un sentiment exagéré de l’importance d’une question ; mais, dans les occasions où de grands intérêts sont en jeu, la gaieté fait place à l’émotion, et le tremblement de sa voix, autant que sa tenue, ne laisse pas de place au doute sur la sincérité de ses convictions. Disons, en terminant ce portrait, que Sir John fut, dans ses premières années, un des orateurs populaires les plus actifs et les plus aimés du pays.

Pas un homme au Canada n’est mieux connu que Sir John, tant comme homme public que comme individu. Son extérieur distingué, sympathique, frappant, son esprit fin et délié, son magnétisme personnel, cette faculté extraordinaire de tirer le meilleur parti possible d’une difficulté, sont familiers à tous ceux qui, de près ou