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tierement perdu courage, tant à cause du travail et de la faim, que de la rigueur du tems, le tillac étant couvert de neige à la hauteur de deux empans. Le vent continuant à être toujours à l’Ouest, et très violent, ce qui les mettoit dans l’impossibilité de doubler le Cap Horn, il se déterminèrent à regagner la rivière de la Plata : le 22, ils furent obligés de jetter en mer une bonne partie de leurs Canons, et une Ancre, et de passer six fois le cable autour du Vaisseau, pour l’empêcher de s’ouvrir : le 4 d’Avril, la mer étant fort agitée quoiqu’il fît peu de vent, le Vaisseau se tourmenta si fort, qu’il perdit en peu d’heures son grand mât, le mât de Misaine, et le mât d’Artimon ; et pour comble de malheur, ils furent réduits à la nécessité de couper leur Beaupré, pour relever un peu la proue, qui avoit une voye d’eau. Vers ce tems-là l’Equipage étoit diminué de deux cens cinquante hommes, qui étoient morts de faim et de fatigues ; car ceux qui se trouvoient en état de faire jouer les pompes (ce que chaque Officier étoit obligé de faire à son tour) n’avoient par jour qu’une once et demie de Biscuit ; au-lieu qu’on ne donnoit qu’une once de pain à ceux qui étoient trop malades ou trop faibles pour soutenir un si rude travail, au milieu duquel on voyoit souvent les gens tomber mort de lassitude. En y comprenant les Officiers il ne restoit à bord qu’entre cent et quatre-vingts personnes en état de manœuvrer. Les vents de Sud-Ouest furent si forts, après qu’ils eurent perdu leurs mâts, qu’ils ne leur fut pas possible d’en mettre d’autres à la place, et le Vaisseau fut le jouet des flots entre les Latitudes de 32 et de 28 degrés, jusqu’au 24 d’Avril, qu’ils apperçurent la côte du Brézil à Rio de Patas, dix lieues au Sud de l’ile de Ste. Catherine. Ils laissèrent tomber l’Ancre en cet endroit, et le Capitaine auroit bien souhaité de gagner Ste. Catherine, afin de sauver le corps du Vaisseau et les Canons, aussi bien que les munitions qu’il avoit à bord ; mais l’Equipage ne voulut plus continuer à pomper, et comme au désespoir des souffrances passées, et d’avoir perdu un si grand nombre de leurs compagnons, (y ayant en ce tems là sur le tillac jusqu’à trente cadavres), s’écria tout d’une voix, à terre, à terre et obligea le Capitaine à courir droit au rivage, où le cinquième jour après, le Vaisseau coula à fond, avec toutes ses munitions. Le reste de l’Equipage, qui par une espèce de miracle se trouvoit encore en vie, se sauva à terre, au nombre de quatre cens hommes.

On peut inférer du récit des avantures et du naufrage du Guipuscoa quel doit naturellement avoir été le sort de l’Hermione, et ce que durent