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de prendre à bord tous ses rafraichissemens, nous levames l’Ancre l’après-midi, et perdimes bientot de vue l’Ile de Madère. Mais avant de poursuivre le récit de ce qui nous arriva, nous croyons devoir rapporter en peu de mots quelles mesures l’Ennemi avoit prises pour déconcerter tous nos desseins.

Quand Mr Anson rendit visite au Gouverneur de Madère, il apprit de lui que pendant trois ou quatre jours, vers la fin d’Octobre, on avoit vu, à l’Occident de l’Ile, sept ou huit Vaisseaux de ligne, et une Patache, et que cette dernière étoit venue chaque jour pour découvrir la côte. Le Gouverneur protesta sur son honneur, qu’âme qui vive dans l’Ile n’avoit eu la moindre communication avec quelqu’un de ces Vaisseaux, qu’il croyoit François ou Espagnols ; quoique, suivant lui, il y eût plus d’apparence qu’ils étoient Espagnols. Sur cette information, notre commandant détacha une Chaloupe, qui alloit très bien à la voile, pour reconnoître l’Escadre ennemie. L’Officier fit huit lieues vers l’Ouest, et revint sans avoir rien vu, si bien que nous restames dans la même incertitude où nous avions été avant son départ. Cependant nous ne pouvions guère douter, que cette Flotte n’eût été envoyée pour traverser notre Expédition. Rien au monde ne leur auroit été plus facile, si au-lieu de se tenir à l’Ouest de l’Ile, ils avoient croisé à l’Est. Car en ce cas, ils nous auroient nécessairement rencontrés, et nous auroient obligés à jetter en mer une grande quantité de provisions, qui ne pouvoient que nous embarasser s’il avoit fallu soutenir un combat ; et cet article seul, indépendamment de l’Action et de ses suites, suffisoit pour nous contraindre à retourner sur nos pas. La chose étoit si simple et si naturelle, que nous cherchames les raisons, qui avoient empêché qu’elle n’eût lieu. Celles qui nous parurent les plus vraissemblables, étoient, que cette Escadre, Francoise ou Espagnole, avoit été envoyée, sur l’avis de notre départ avec l’Amiral Balchen, et la Flotte destinée à l’Expédition du Lord Cathcart. Dans l’idée de ne pouvoir tenir contre des forces aussi supérieures, que les nôtres l’étoient dans cette supposition, les Ennemis pouvoient n’avoir pas juger à propos d’en venir à un engagement avec nous, qu’après notre séparation, qui ne devoit apparemment pas se faire avant notre arrivée à Madère. Telles furent alors nos conjectures, qui ne nous permettoient point de douter, que nous les rencontrerions sur notre route vers les Iles du Cap Verd. Dans la suite de notre Expédition plusieurs d’entre nous eurent sujet d’être convaincus, que cette Escadre