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de ce qui avoit été mis a bord des Vaisseaux de Guerre, comme nous le dirons dans la suite, et comme on n’eut pas l’occasion d’en employer la moindre partie sur les côtes qu’on visita, tout ce qu’on en raporta en Angleterre ne rendit pas le quart de la valeur de l’emplette. C’est ce que le Chef d’Escadre avoit prédit, malgré les magnifiques espérances que bien des gens avoient conçues sur ce commerce. Mais revenons à ce qui se passoit à Portsmouth.

Pour suppléer aux deux cens quarante Invalides qui avoient déserté, on fit embarquer deux cens et dix hommes, détachés de différens Régimens de Marine : tous Soldats des plus novices, qu’on ne faisoit que d’enrôler, et qui n’avoient de militaire que l’uniforme ; aucun d’eux n’ayant été assez exercé au maniement des armes, pour qu’on lui permît de faire feu. Le dernier Détachement de ces gens vint à bord le 8 d’Aout et le 10 l’Escadre fit voile de Spithead, pour Ste. Hélène, où elle devoit attendre le vent pour commencer son voyage.

Mais il s’en falloit beaucoup que nous fussions au bout des délais qui nous étoient destinés ; nous étions déja avancés dans une saison où les vents d’Ouest sont ordinairement fort constans et violens ; on jugea à propos de nous faire mettre en Mer en compagnie avec la Flotte, commandée par l’Amiral Balchen et les Vaisseaux de transport destinés à l’expédition de Mylord Cathcart. Nous faisions tous ensemble vingt et un Vaisseaux de Guerre, et cent vingt-quatre Vaisseaux de Transport ou Marchands desorte que nous ne pouvions nous flatter de sortir du Canal, avec une aussi grande Flotte, sans le secours d’un vent favorable d’une assez longue durée ; et c’est ce que nous avions de jour en jour moins lieu d’espérer, puisque nous approchions de l’équinoxe. Cependant les trésors du Pérou, ces monts d’or que nous nous étions promis, s’évanouissoient insensiblement, et l’idée du passage du Cap Horn pendant l’hiver, avec tous ses dangers et ses difficultés, vint remplir leur place dans notre imagination. Nous passames ainsi quarante jours à Ste. Hélène, après quoi nous reçumes ordre d’en partir sans Mylord Cathcart ; mais ces quarante jours ne se passèrent pas sans les fatigues rebutantes de mettre souvent à la voile et d’être obligés à retourner. Sans compter des périls, plus grands quelquefois que nous n’en avons éprouvé dans le reste d’un Voyage autour du Monde. La première fois que le vent se rendit favorable, ce fut le 23 d’ Aout, nous mimes à la voile, et Mr Balchen n’épargna rien pour gagner la haute Mer ; mais le vent rechan-