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vant la Bordée que court ce Pros. Lorsqu’on vent changer de Bordée, on arrive un peu pour avoir le vent eu Poupe ; alors en lâchant l’Ecoute, on dresse la Vergue, et faisant courir le Talon, le long du côté du Lof, on le fixe dans le Creux opposé ; tandis que la Vergue inférieure, en lâchant l’Ecoute (M), et en halant l’Ecoute (N) (Fig. 1) prend une situation opposée à celle où elle étoit auparavant ; ainsi ce qui étoit la Poupe du Pros en devient la Proue, et on a changé de Bordée. Quand il est nécessaire de prendre des Ris, ou de ferler la Voile, cela se fait en la roulant autour de la Vergue inférieure. Un Pros est ordinairement monté de six ou sept Indiens ; un à la Proue et un autre à la Poupe ; ces deux gouvernent chacun à son tour, par le moyen d’une Pagaye, dont se sert celui qui est à la Poupe, suivant la Bordée que l’on court. Les autres s’occupent à vuider l’eau qui peut entrer par hazard dans le Vaisseau, et à maneuvrer la Voile. On voit par cette description, que ces Pros sont d’une commodité admirable, pour voyager entre ces Iles qui sont toutes situées Nord et Sud, et entre les limites des vents alisés d’Est. Ces Bâtimens vont mieux qu’aucun autre à la Voile avec un vent de côté, et ont la commodité d’aller et venir, en changeant seulement leur voile, et sans jamais virer de bord. Ils ont aussi l’avantage d’aller avec une vitesse bien plus grande, qu’un Vaisseau qu’un Vaisseau qui a le vent en Poupe, et souvent plus vite que le vent même. Quelque paradoxe que cette proposition puisse paroître, elle n’en est pas moins vraie, et nous la voyons tous les jours vérifiée par une expérience commune et qu’on peut faire sans aller en Mer : il ne faut que faire attention aux Moulins à vent, dont les ailes se meuvent quelquefois plus vite que le vent : et c’est-là un avantage que les Moulins ordinaires auront toujours sur tous ceux dont le mouvement seroit horizontal. Car les ailes d’un Moulin horizontal se dérobent à la vitesse du vent, à mesure qu’elles tournent plus vite : au-lieu que les Moulins ordinaires, se mouvant perpendiculairement au courant de l’air, le vent agit sur leurs ailes dans leur plus violent mouvement, tout comme si elles étoient en repos.

En voila assez sur la construction et sur les usages de ces Bâtimens extraordinaires : il est vrai que l’on trouve dans plusieurs endroits des Indes Orientales, des Vaisseaux qui ont quelque ressemblance avec ceux-ci ; mais aucun ne leur est comparable, tant en simplicité dans leur structure qu’en vitesse dans leurs mouvemens. Il paroit qu’on pourroít inférer de-là que les Pros sont les Originaux de tous ces autres Bâtimens ; qu’ils