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. Il ne resta que ceux qui étoient Invalides à la rigueur des termes, la plupart agés de soixante ans, et quelques-uns même de plus de soixante et dix. Il seroit difficile de s’imaginer une scène plus touchante, que l’embarquement de ces infortunés Vétérans. Ils avoient assez d’expérience dans le service pour démêler les malheurs qui les attendoient. La crainte de ces malheurs, mêlées d’indignation, se lisoit sur leur visage. On venoit de les enlever à une situation tranquille, pour les charger d’une entreprise, dont la foiblesse de leur Corps et celle de leur Ame les rendoient également incapables, et dans laquelle ils devoient naturellement périr de maladies après avoir sacrifié leur jeunesse et leur santé au service de leur Patrie.

Je ne saurois m’empêcher d’observer ici, que ce fut un grand malheur, tant pour ce Détachement de Vieillards et de Malades, que pour l’Expédition même à laquelle ils furent employés ; que parmi tous les Invalides externes de l’Hopital de Chelsea, dont le nombre pouvoit monter à deux mille, les plus infirmes eurent la préférence pour une entreprise aussi fatiguante que dangereuse. Car personne n’ignore, que quoique les Invalides en général ne soient pas ceux dont on se sert en pareille occasion, on peut néanmoins, par un choix prudent, entre deux mille hommes, en trouver cinq cens, qui ayent encore quelque reste de vigueur : et Mr. Anson s’étoit attendu, qu’on lui choisiroit du moins ce qu’il auroit de meilleur, mais il vit avec douleur, que tout le détachement étoit un assemblage d’objets propres à exciter la pitié. Par la Désertion, dont nous avons parlé, cet assemblage perdit le peu de santé et de forces qu’il pouvoit avoir encore, de sorte que le Chef d’Escadre pouvoit emmener avec lui, s’il le vouloit, les Malades les plus infirmes d’un Hôpital.

Il ne faut pas oublier ici une autre particularité importante dans l’équipement de cette Escadre. On proposa à Mr. Anson, après que la Résolution eut été prise qu’il iroit dans la Mer du Sud, de prendre avec lui deux personnes sous le titre d’Agens Avitailleurs. Ceux, auquels on destinoit cette commission, avoient été autrefois employés dans les Indes Occidentales Espagnoles au service de la Compagnie du Sud ; et l’on supposa que les intelligences qu’ils avoient sur cette côte, les mettroient en état de procurer des vivres à l’Escadre par les voyes de la douceur, quand il n’y auroit pas moyen d’en avoir par la force des armes. Ces Agens Avitailleurs devoient, pour cet effet, faire transporter à bord pour la valeur de 15 000 livres sterling en marchandises ; car ils avoient