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ge de nos voiles basses, nous commençames à porter à l’Est, dans l’espérance de regagner l’Ile de Tinian et de rejoindre notre Commandeur en peu de jours : car nous ne nous faisions qu’à quarante-sept lieues au Sud-Ouest de cette Ile. Mais le 1 d’Octobre, ayant déja fait assez de chemin, pour pouvoir la découvrir, nous fumes fort déconcertés de nous appercevoir que nous étions loin de notre compte, et nous fumes convaincus, que les courans nous avoient portés vers l’Ouest. Nous ne pouvions estimer au juste à combien cette dérive pouvoit aller, ni par conséquent combien de tems il nous falloit encore pour regagner cette Ile ; cependant nous avions lieu de crainte de manquer d’eau, nous ne savions pas trop bien quelle quantité nous en avions à bord, et nous avions remarqué que plusieurs de nos Futailles étoient usées et qu’elles avoient coulé plus d’à moitié. Enfin le jour suivant, nous sortimes de l’incertitude où nous étions, et la vue de l’Ile de Guam, nous apprit que les Courans nous avoient fait dériver quarante-quatre lieues à l’Ouest, plus que ne portoit notre estime. Assurés du point où nous étions, nous portames à l’Est, avec un travail extrême, car le vent étant fixé à la bande de l’Est, nous étions obligés à faire de fréquentes bordées ; et notre Equipage étoit si foible, qu’en mettant tous la main à l’œuvre, c’étoit tout ce que nous pouvions faire que de virer de bord. Cette terrible fatigue ne finit que l’11 d’Octobre, dix-neuvième jour depuis notre départ ; ce fut alors que nous parvinmes à la vue de Tinian, et que nous reçumes du renfort de ceux qui étoient à terre, comme je l’ai rapporté ci-devant. Ce soir même, nous jettames l’ancre dans la Rade de cette Ile, et nous nous trouvames, à notre grande joie, réunis avec nos Compagnons, heureusement délivrés les uns et les autres des craintes et des travaux où ce triste accident nous avoit jettés.