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basses, nous pourrions doubler l’Ile et nous dérober au naufrage. Mais après trois heures de travail inutile, les Drisses rompirent, et nos forces se trouvèrent si épuisées, que nous fumes obligés de nous abandonner au risque de périr qui nous paroissoit inévitable, car nous étions persuadés pendant tout ce tems, que nous dérivions vers l’Ile d’Aguigan et la nuit étoit si obscure, que nous ne nous attendions à reconnoitre la Terre, que par la secousse que nous sentirions en y échouant. Nous passames ainsi plusieurs heures dans la ferme persuasion de périr, et dans la cruelle attente d’éprouver ce malheur dans un moment. Ces terreurs ne finirent qu’avec le jour, qui nous fit voir cette Ile formidable, qui étoit à une assez grande distance, et qu’un violent courant venant du Nord, nous avoit fait éviter.

La tempête, qui nous avoit forcé sur nos ancres et chassé de la Rade de Tinian, ne commença à s’abattre qu’au bout de trois jours ; alors nous remimes notre Vergue de Misaine en état et nous travaillames à hisser notre grande Vergue, mais les Drisses rompirent ; et un de nos Gens en ayant été tué, cet accident nous arrêta dans cette maneuvre. Le lendemain, 26 de Septembre, fut pour nous tous un jour de cruelle fatigue : car, en pareils cas, personne n’est exemt de travail, et quiconque se trouve à bord devient Matelot. Notre principale occupation fut de retirer notre maitresse ancre, que pendant tout ce tems, nous avions traînée, à Côte du Vaisseau au bout d’un cable allongé d’un autre. Cet ouvrage étoit doublement nécessaire ; car outre le risque de naviger avec une ancre en cet état, c’étoit de plus, la dernière qui nous restât, et si nous étions venus à la perdre nous nous serions trouvé dans les plus grands embaras, quand même nous eussions eu le bonheur de regagner la Rade. Nous y travaillames donc douze heures de suite de toutes nos forces, et nous en étions parvenus à amener cette ancre à vue ; mais la nuit survenant et nous trouvant excessivement fatigués, nous fumes obligés de nous arrêter et de laisser notre ouvrage imparfait, jusqu’au lendemain matin, qu’aidés des forces que le repos d’une nuit nous avoit rendues, nous vinmes à bout de notre entreprise et remimes notre ancre sur le Bossoir.

Le même jour, 27 de Septembre, nous réussimes encore à une autre opération importante, c’étoit celle de hisser notre grande Vergue ; et alors, nous trouvant en quelque sorte remis du trouble, et du désordre où nous étions, lorsque nous fumes jettés en Mer, et pouvant faire usa-