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viendroit, ce que Mr. Anson ne croyoit guère possible, quoiqu’il ne marquât point ce qu’il pensoit là-dessus, le pis du pis seroit d’avoir travaillé inutilement durant quelques jours ; au-lieu, que si le Vaisseau ne reparoissoit pas, leur situation, et la saison de l’année, exigeoient d’eux tout l’empressement et toute l’activité possibles.

Ces remontrances produisirent leur effet, qui néanmoins ne fut pas d’abord aussi puissant que Mr. Anson auroit pu l’espérer. A la vérité, il leur releva le courage, en leur montrant la possibilité de sortir de l’Ile : bonheur, dont ils n’avoient point eu jusqu’alors la moindre idée ; mais par cela même qu’ils se voyoient cette ressource, ils commencèrent à trouver leur situation moins effraiante, et à se_flatter que le retour du Centurion les dispenseroit de l’exécution du plan de Mr. Anson, qu’ils prévoyoient devoir être un grand et pénible ouvrage. Ces considérations empêchèrent pendant quelques jours, qu’ils ne missent tous la main à l’œuvre de bon cœur ; mais à la fin, étant généralement convaincus de l’impossibilité du retour du Vaisseau, tous entreprirent avec ardeur la tâche qui leur avoit été assignée, et y mirent toute l’industrie et l’application que le Commandeur pouvoit désirer, se trouvant ponctuellement à la pointe du jour au lieu du rendez-vous, d’où chacun se rendoit à l’епdroit qui lui étoit marqué, et y travailloit jusqu’à l’entrée de la nuit.

Qu’il me soit permis d’interrompre ici un moment le fil de ma narration, pour rapporter un incident, qui causa, pendant quelque tems, plus d’inquiétude à Mr. Anson que n’avoient fait tous nos désastres passés. Peu de jours après que le Vaisseau eut été jetté en mer, quelques-uns des nôtres, qui étoient sur le rivage, crièrent, une voile. Ce cri répandit une joie générale, chacun supposant, que c’étoit notre Vaisseau qui revenoit ; mais un instant après on apperçut une seconde voile, ce qui détruisit entièrement l’еsрéгаnсе, que nos Gens venoient de concevoir, et les mit dans l’embaras de deviner ce que pouvoient être ces deux voiles. Le Commandeur les examina soigneusement avec sa Lunette d’approche, et remarqua que c’étoient deux Chaloupes. A cette vue, il ne put s’empêcher de croire, que le Centurion étoit allé à fond, et que ceux qui s’en étoient pu sauver, revenoient avec les deux Chaloupes de ce Vaisseau. Cette soudaine et cruelle idée agit si puissamment sur lui, que, pour cacher son émotion, il fut obligé de se retirer, sans dire mot à personne, dans sa Tente, où il passa de bien tristes momens, dans la ferme persuasion que le Vaissеаu étoit perdu, et qu’il falloit absolument re-