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qu’en ce cas ils n’auroient pas manqué d’aller informer le Gouverneur de Guam de notre arrivée. Pour prévenir ce malheur, nous envoyames la Pinasse s’assurer de la Barque, qui, au dire du Sergent, étoit le seul Bâtiment qu’il y eût sur les Côtes de l’Ile.

Le soir, environ à huit heures, nous laissames tomber l’ancre sur vingt et deux brasses d’eau ; et quoiqu’il ne fit point du tout de vent, et que notre monde employât de grand cœur tout ce qui lui restoit de forces pour gagner cette espèce de Paradis terrestre, après avoir été plusieurs mois en mer, nous ne laissames pas de mettre cinq heures entières à carguer nos voiles. Notre Equipage, à la vérité, étoit affoibli par le départ de ceux qui avoient été détachés avec le Canot et la Pinasse ; mais il n’en est pas moins vrai pour cela que, même en y comprenant ce Détachement, et quelques Prisonniers, tant Indiens que Nègres, tout ce que nous avions de Gens en état de servir, ne montoit qu’à soixante et onze ; encore y en avoit-il plusieurs parmi hors d’état de maneuvrer : misérable reste des Equipages réunis du Centurion, du Gloucester et du Tryal, qui faisoient ensemble près de mille Hommes, à notre départ d’Angleterre.

Les voiles étant carguées, notre monde eut le reste de la nuit pour se reposer. Le lendemain, Mr. Anson en envoya une bonne partie, bien armée, pour se rendre maître de l’endroit de débarquement, dans la supposition que les Indiens, qui étoient dans l’Ile, pourroient faire quelque résistance. Je fus de cette expédition, où nous ne vimes personne, les Indiens, ayant conclu de la prise de leur Barque, que nous étions Ennemis, et s’étant retirés d’abord dans les Bois de l’Ile. Nous trouvames, à terre plusieurs Cabanes, où ils avoient logés qui nous épargnèrent le tems et la peine de dresser des Tentes. Une de ces Cabanes, qui avoit servi de Magazin aux Indiens, étoit de soixante pieds de long sur quarante-cinq pieds de large. Nous ôtames de ce Magazin quelques tonneaux de Bœuf séché, qui s’y trouvoient, et le convertimes en Infirmerie pour nos Malades. Dès que l’endroit fut un peu approprié, on les transporta à terre au nombre de cent vingt et huit. Plusieurs d’eux étoient si foibles, que nous fumes obligés de les porter sur nos épaules de la Chaloupe à l’infirmerie : acte d’humanité, dont le Commandeur, et tous ses Officiers s’aquittèrent, comme ils l’avoient déja fait dans l’Ile de Juan Fernandez. Nonobstant l’extrême foibleffe de la plupart de nos Malades, ils sentirent presque à l’instant même l’influence de l’air de terre ; car quoique nous eussions enterré ce jour-là et la veille vingt et un hommes, nous