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branlé, où que du moins nous n’eussions procuré à quelques-uns des Peuples qui habitent ce vaste Continent, les moyens de secouer le joug pesant, sous lequel ils gémissent. Par-là nous eussions attiré l’attention du Ministère d’Espagne, d’un côté où le danger seroit devenu si pressant, nous eussions fait une diversion aux forces de cette Monarchie, et la Grande Bretagne et ses Alliés eussent été délivrés d’une grande partie des embaras que leur ont suscités les intrigues de la France, aidées des Trésors de l’Amérique Espagnole.

Afin qu’on ne m’accuse pas d’exagérer les Forces de notre Escadre, en la représentant comme capable d’ébranler l’Empire des Espagnols dans l’Amérique, il est à propos que je donne quelque idée, de l’état où se trouvoient les Provinces qui sont situées sur les bords de la Mer du Sud, et la disposition actuelle de leurs Habitans tant Espagnols qu’Indiens. On verra par ce que je vais dire, que la mesintelligence régnoit entre les Gouverneurs, et que les Créoles étoient mécontens à l’excès ; qu’il n’y avoit ni Armes ni Munitions ; que les Garnisons et toute Discipline militaire étoient absolument négligées ; et que les Indiens de la Frontière n’attendoient que le moment favorable, pour prendre les armes, et pour se venger des barbaries qu’ils ont еssuyées depuis plus de deux siècles ; ensorte qu’il n’y avoit pas une circonstance qui ne concourût à favoriser nos entreprises. Nous fumes parfaitement instruits de toutes ces particularités par les Lettres, que nous trouvames sur les Vaisseaux que nous primes dans ces Mers ; car personne, dans aucun de ces Vaisseaux, n’eut l’attention de jetter leurs papiers à la Mer.

L’animosité entre les Gouverneurs fut fort augmentée par la crainte qu’ils eurent de notre Escadre ; car chacun d’eux, supposant que le mauvais état où se trouvoit son Gouvernement, ne pouvoit être attribué à sa négligence, s’exhaloit en plaintes et en représentations, dans la vue de rejetter sur quelque autre la cause des malheurs qu’il prévoyoit. C’est ainsi que le Président du Chili, celui de Panama, les Gouverneurs, et en général tous ceux qui avoient quelque Commandement, accabloient le Viceroi du Pérou, de demandes d’argent, supposé nécessaire pour mettre leurs Provinces et les Places en état de défense. A toutes ces demandes, le refrein du Viceroi étoit, que la Caisse Royale de Lima étoit vuide, et qu’il étoit assez embarassé de fournir aux dépenses indispensables pour son propre Gouvernement. Dans une de ses Lettres, que nous interceptames, il témoignoit ses craintes d’être obligé même à arrêter la