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les vivres dont nous avions besoin, nous pouvions bien mieux les avoir par un commerce de gré à gré, que de les prendre à vive force. Mais nos projets pacifiques se trouvèrent impratiquables : le Parti revint le soir même, fort fatigué d’un exercice, dont on avoit perdu l’habitude, quelques-uns même étoient tombés en foiblesse de pure lassitude, et leurs Camarades avoient été obligés de les rapporter sur leur dos. Ils avoient marché, à ce qu’ils jugeoient, environ dix milles, dans un chemin battu, où ils avoient souvent vu du crotin de Cheval, ou de Mule, tout frais. A cinq milles du Port, le chemin se divisoit en deux entre des Montagnes ; une de ces routes tiroit vers l’Est, et l’autre vers l’Ouest. Après quelque délibération, nos Gens se déterminèrent pour la route de l’Est, qui les conduisit au bout de quelque tems dans une grande Savanne, où ils découvrirent une Vedette à Cheval, le Pislolet à la main. Dans ce moment, cet Homme étoit apparemment endormi ; mais son Cheval effrayé par l’éclat des armes, tourna brusquement, et s’enfuit au plus vite avec son Maitre, qui pensa en être désarçonné, et qui fut fort heureux d’еп être quitte pour son Chapeau et son Pislolet, qu’il laissa tomber. Nos Gens le suivirent de leur mieux, dans l’espérance de trouver l’Habitation, qui lui servoit de retraite ; mais ils étoient à pié, et lui à Cheval, et ils le perdirent bientôt de vue. Ils ne vouloient pourtant pas revenir sans avoir rien découvert, et ils continuèrent à marcher, toujours dans le même chemin, jusqu’à ce qu’excédés par la chaleur et par la soif, ils furent contraints de faire halte, et puis de prendre le parti du retour, puisqu’aussi bien ils ne voyoient ni Villages ni Habitations, pas même le moindre signe de Païs cultivé. Cependant pour ne négliger aucun moyen de lier commerce avec les Gens du Païs, les Officiers attachèrent à quelques piquets, qu’ils plantèrent sur la route, des Billets écrits en Espagnol, où on invitoit les Habitans à se rendre au Port, pour y trafiquer avec nous leur donnant les Assurances les plus fortes qu’ils seroient fort bien reçus, et qu’on leur payeroit à leur satisfaction les Vivres qu’ils nous apporteroient. Nous ne pouvions nous conduire plus sagement ; mais toute cette modération fut inutile, et personne ne parut pendant notre séjour dans ce Port. Le malheur fut que nos Gens, dans l’endroit où le chemin se sépare en deux, prirent à l’Est, s’ils avoient tourné à l’Ouest, ils auroient bientôt trouvé une Ville, ou Village, que quelques Manuscrits Espagnolsplacent au voisinage de ce Port, et que nous avons depuis appris, n’être éloigné que de deux milles du Carrefour dont il s’agit.