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de réussir dans notre principal dessein, qui étoit la prise du Galion de Manille. Ces idées tristes nous jettèrent dans l’abbattement, à proportion des grandes espérances que nous avions conçues de faire cette capture. Enfin pourtant, le 9 de Janvier, nous eumes la consolation de sentir une brise de N. E. qui s’éleva pour la première fois : nous primes le Carméloà la toue, et le Gloucester en fit autant du Carmin, afin de tirer le plus d’avantage que nous pourrions de ce vent favorable, que nous craignions qui ne fût pas de durée. Mais le lendemain, il continua à soufler du même point, se fixa même et se renforça, desorte que nous ne doutames plus que ce ne fût le vrai vent alisé ; et nous sentimes renaître nos espérances, à mesure que nous avancions vers le lieu de notre croisière. Elles n’étoient pourtant pas trop bien fondées, car le tems ordinaire de l’arrivée du Galion à Acapulco, étoit déja passé, mais nous eumes soin de lui supposer des accidens qui avoient retardé son voyage, pour nous donner occasion de le prendre.

Le vent alisé ne nous quitta pas jusqu’au 17 de Janvier, que nous nous trouvions par les 12° 50’ de Latitude Septentrionale, mais ce jour-là il fit place à un vent d’Ouest. Nous attribuames ce changement à ce que nous nous étions trop tôt rapprochés des Terres, quoique nous nous en fissions encore à plus de soixante et dix lieues : par où il paroit que les vents alisés n’ont lieu, qu’à une grande distance du Continent. Dans la suite le vent ne nous fut plus aussi favorable, qu’il avoit été ; cependant nous fimes route, et le 26 de Janvier, nous trouvant au Nord d’Acapulco, nous changeames de cours et portames à l’Est dans la vue de reconnoitre la Terre.

Durant lès derniers quinze jours, nous primes quelques Tortues, qui flottoient sur la surface de la Mer, de même que plusieurs Dauphins, Bonites et Albicores. Un jour qu’un de nos Voiliers pêchoit assis sur bout dehors de Beaupré, il tomba dans la Mer, et le Vaisseau, qui alloit à raison de six ou sept milles par heure, passa dessus lui : par bonheur le Carmelo nous suivoit à la toue ; et comme nous criames aux gens de son Equipage, ils lui jettèrent, plusieurs bouts de corde. Il en saisit un qu’il entortilla autour de son bras, et par ce moyen on le repêcha : il en fut quitte pour une entorse au bras, dont il guérit en peu de tems.

Le 26 de Janvier, portant à l’Est, nous comptions suivant notre estime, de découvrir la Terre le 28. Mais quoique ce jour-là le tems fût fort serain, le Soleil se coucha sans que nous ne vissions rien, et nous con-