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rée monte, qu’il recouvre ensuite, et où la chaleur du Soleil les fait éclore. Nous avions soin de les faire retourner lorsqu’elles venoient ainsi à terre, et dès qu’elles sont sur le dos, on peut les laisser-là et les venir chercher à loisir. Nous en primes donc, en telle quantité, que non seulement elles nous nourrirent pendant notre séjour dans cette Ile, mais que nous en portames à bord un très grand nombre, qui nous furent d’un grand usage, tant en ce qu’elles servoient à épargner nos provisions, qu’en ce qu’elles fournissoient une viande fraîche, plus saine et plus agréable que les viandes salées. Elles pesoient ordinairement 200 l. chacune, et nous en eumes assez pour nous nourrir près d’un mois, et au bout de ce tems nous nous trouvames sur la Côte de Méxique, dans des endroits où nous eûmes occasion d’en faire une nouvelle provision. Nous les y voyions souvent flotter en grand nombre, sur la surface de la Mer où elles étoient endormies pendant la grande chaleur du jour. Pour en prendre nous nous servions de notre Chaloupe, un bon Plongeur se plaçoit sur l’Avant, et dès qu’il ne se trouvoit plus qu’à quelques toises de la Tortue, il plongeoit, et faisoit ensorte de remonter vers la surface de l’eau justement auprès de cet Animal ; il saisissoit l’écaille, tout contre la queue, et en s’appuiant sur le derrière de la Tortue, il la faisoit enfoncer dans l’eau. L’Animal en se réveillant, se débattoit des pattes de derrière, et ce mouvement suffisoit pour le soutenir sur l’еаu, aussi bien que l’Homme, jusqu’à ce que la Chaloupe vînt et les pêchât tous deux. De cette manière, nous ne vêcumes presque que de Tortues pendant quatre mois consécutifs que nous restames en Mer. Les trois mois qui les avoient précédés, nous avions toujours tenus la Mer, excepté quelques jours passés à Paita et à Quibo, cependant durant ces sept mois qui se passerent depuis notre départ de Juan Fernandez, jusqu’à notre arrivée au Port de Chequetan, il ne nous mourut que deux Hommes sur toute l’Escadre ; preuve certaine que la chair de Tortue est une nourriture des plus saines.

Il est étonnant que le long de ces Côtes, où les vivres ne sont pas par-tout abondans, les Espagnols qui les habitent ayent pu se mettre en tête qu’une nourriture aussi bonne que la chair de Tortue, soit malsaine, et qu’ils la regardent presque comme une espèce de Poison. C’est apparemment la figure singulière de cet Animal qui leur à déplu, et qui leur a fait concevoir ce préjugé, dont ils sont extrêmement prévenus, et dont nous avons eu plus d’une preuve. J’ai dit que nous avions renvoyé tous nos Prisonniers Espagnols à terre, à Paita et à Manta ; mais pour les Es-