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que nous eussions pu joindre le Vaisseau ennemi, vers les sept heures du soir nous le perdimes de vue, et ne sumes quel cours suivre : à la fin comme nous avions alors le vent favorable, Mr. Anson résolut de laisser les Voiles comme elles étoient, et de ne point changer de cours ; car quoiqu’il n’eût aucun lieu de douter que le Vaisseau ennemi ne fît fausse route pendant la nuit ; comme néanmoins il n’étoit pas possible de devinеr de quel côté il changeroit de direction, il lui parut plus prudent de poursuivre son cours, à cause qu’il devoit nécessairement par-là se trouver plus près de l’Ennemi, que s’il lui arrivoit de se tromper, en changeant de direction au hazard, le Vaisseau, que nous poursuivions, étant, en ce cas, infailliblement perdu pour nous. Nous continuames ainsi à lui donner la chasse dans l’obscurité environ une heure et demie ; et durant tout ce tems, tantôt l’un, et tantôt l’autre des Gens de notre Equipage crurent en discerner les Voiles droit devant nous ; mais à la fin Mr. Brett, alors notre second Lieutenant, l’appercut réellement à Bas-bord, faisant route vers la haute Mer, avec une direction qui différoit de quatre pointes de compas de la nôtre. Aussitôt nous gouvernames sur la Vaisseau ennemi : nous le joignimes en moins d’une heure, et il se rendit après avoir essuyé quatorze coups de Canon. Notre troisième Lieutenant, Mr. Dennis, fut envoyé avec la Chaloupe et quinze hommes pour prendre possession de la prise, et amener les Prisonniers à notre bord. Ce Vaisseau, qui se nommoit Santa Térésa de Jésus, avoit été bâti à Guaiaqu’il, étoit d’environ trois cens tonneaux, et commandé par un Biscayen, appellé Barthélemy Urrunaga ; il alloit de Guaiaqu’il à Callao, et étoit chargé de bois de charpente, de fil de Pito, qui est très fort, et qu’on fait d’une espèce d’Herbe, de Draps de Quito, de Cacao, de Noix de Coco, de Tabac, de Cuirs, de Cire, etc. Les Espèces, qui se trouvèrent à bord, ne consistoient qu’en quelque monnoye d’argent, et ne montoient en tout qu’à 170 liv. sterling. A la vérité la charge auroit été de grande valeur, si nous avions pu en disposer ; mais comme il est expressément défendu aux Espagnols de jamais rançonner leurs Vaisseaux, la plupart des choses, que nous prenions dans ces Mers, à l’exception de celles dont nous avions besoin pour nous-mêmes, ne nous servoient de rien. Ce n’est pas que ce ne fût un grand sujet de contentement pour nous, que de causer un dommage considérable à nos Ennemis : cela même formant une bonne partie de notre destination. Outre l’Equipage de notre prise, qui montoit à quarante-cinq hommes, il y