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joindre ce Vaisseau, que nous supposions destiné pour Valparaiso. Nous continuames ce cours, tout ce jour et le lendemain, sans rien découvrir ; ce qui nous fit résoudre à abandonner la poursuite du Navire, qui devoit, selon toutes les apparences, avoir déja gagné le lieu de sa destination. Nous nous disposames donc à retourner à Juan Fernandez, et pour cet effet nous tirames vers le S. O. Nous eumes très peu de vent, jusqu’au 12 à trois heures du matin, qu’il s’éleva un vent frais de l’O. S. O. Nous virames de bord, et portames au N. O. et à la pointe du jour, nous fumes agréablement surpris de découvrir par proue, un Vaisseau à quatre ou cinq lieues de nous. Nous fimes force de voiles, pour lui donner chasse, et reconnumes bientôt que ce n’étoit pas le même Navire que nous avions poursuivi auparavant. Il porta d’abord sur nous, sous Pavillon Espagnol et nous fit un signal de reconnoissance ; mais voyant que nous n’y répondions pas ; il serra le vent et courut au Sud. Nos gens s’animèrent à cette vue, et travaillèrent avec toute l’ardeur imaginable, aux maneuvres propres à accélérer notre cours. Le Navire que nous poursuivions, paroissoit fort grand ; et comme il nous avoit pris pour un Vaisseau qui avoit vogué de compagnie avec lui, nous en conclumes que c’étoit un Vaisseau de guerre apparemment de l’Escadre de Pizarro. Dans cette supposition, le Commandeur donna ordre de rompre toutes les Cabanes des Officiers, et de les jetter à la Mer, aussi bien que les Futailles d’eau et de provisions qui pouvoient empêcher le service du Canon, desorte que notre Vaisseau fut bientôt débarassé et préparé pour le combat. Vers les neuf heures le tems s’embruma et nous eumes une ondée de pluie, qui nous fit perdre de vue le Vaisseau que nous chassions. Nous craignimes, si ce tems continuoit, que l’Ennemi ne nous échappât, soit en changeant de bordée, soit par quelque autre artifice ; mais l’air s’éclaircit en moins d’une heure ; et nous trouvames que nous avions beaucoup gagné et que nous avions même presque atteint ce Vaisseau. Nous vimes alors que c’étoit un Vaisseau marchand qui n’avoit pas seulement une rangée de Canons. A midi et demi, nous fumes à portée de lui tirer quatre coups de Canon dans ses maneuvres, surquoi il amena ses huniers, et porta sur nous ; mais en grande confusion : car toutes ses voiles de Perroquet, et celles d’étai, flottoient au vent. Ce désordre venoit de ce qu’ils avoient lâché leurs écoutes et leurs couets, justement dans le tems qu’ils reçurent nos quatre coups de Саnon ; après quoi pas un d’eux n’eut la hardiesse de monter dans les cordages, où