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plusieurs hutes d’Indiens sur le rivage, et il est à croire que dans le milieu de l’Eté, plusieurs de ces Sauvages viennent y passer quelque tems pour la pêche : il semble par ce que nous avons rapporté dans le récit des avantures de la Pinque Anne, que c’est l’usage des Peuples de ces Quartiers de fréquenter cette Côte pendant l’Eté, pour y faire leur pêche, et de se retirer pendant l’Hiver, dans des Climats plus doux vers le Nord.

En faisant mention de l’Anne, je ne puis m’empêcher de remarquer qu’il est fâcheux que l’Equipage du Wager ignorât que cette Pinque fût si près d’eux ; car elle n’en étoit pas à plus de trente lieues, et aborda à cette Côte à peu près dans le même tems qu’eux. C’étoit un bon Bâtiment assez grand pour les recevoir tous à bord, et les transporter à Juan Fernandez. Je crois même qu’il étoit encore moins éloigné d’eux que je ne viens de dire ; car l’Equipage du Wager entendit plusieurs fois le bruit d’un coup de Canon, que je ne doute pas avoir été celui que le Maitre de l’Anne faisoit tirer tous les soirs ; d’autant plus que l’heure où ce bruit fut entendu par les gens du Wager s’y rapporte fort bien. Mais il est tems de revenir au Capitaine Cheap et à ses gens.

Ils s’embarquèrent dans le Bateau à rame et dans le Jol, le 14 de Décembre, après avoir chargé toutes les provisions qu’ils purent tirer du Vaisseau échoué. Leur dessein étoit de porter au Nord ; mais à peine avoient-ils été une heure en Mer, que le vent devint si violent et les vagues si hautes, qu’ils se virent obligés de peur de périr, à jetter en Mer la plus grande partie de leurs provisions. Cette perte étoit terrible pour eux, et irréparable dans l’état où ils se trouvoient : cependant il ne leur restoit d’autre parti à prendre que de continuer leur voyage, et d’aborder à terre aussi souvent qu’ils pouvoient pour y chercher les moyens de subsister. Quinze jours après cet accident, il leur en arriva un autre non moins funeste, le Jol coula à fond, étant à l’ancre, et un de ceux qui étoient dedans fut noyé, et comme le Bateau à rame n’étoit pas assez grand pour les contenir tous, ils se virent réduits à la dure nécessité d’abandonner quatre Soldats de la Marine sur ces Côtes désertes. ils continuèrent cependant à porter vers le Nord, malgré tous ces désastres, toujours contrariés par les vents, et obligés de tems en tems d’interrompre leur cours, pour chercher quelques vivres. Enfin, vers la fin de Janvier, après avoir tenté trois fois inutilement de doubler une pointe de terre, qu’ils prenoient pour le Cap, nommé par les Espagnols, de Tres Montes, il fut résolu unanimement de renoncer à une entreprise