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pour être le Gloucester. Comme il n’y avoit pas à douter, que l’Equipage ne fût en grande détresse, le Commandeur envoya à leur secours, le Canot chargé d’eau, de Poisson, et d’autres rafraichissemens, qui leur vinrent bien à point, car jamais il n’y eut d’Equipage en plus triste état. Ils avoient jetté à la Mer les deux tiers de leur monde, et de ceux qui restoient en vie, il n’y en avoit en état d’agir, que les Officiers et leurs Valets. Depuis longtems ils étoient réduits à une pinte d’eau par ration tous les vingt-quatre heures, et malgré cette économie, sans le secours que nous leur envoyames, ils seroient bientôt morts de soif ; leur provision d’eau tirant à sa fin. Le Vaisseau louvoyoit à trois milles de la Baye ; mais les vents et les courans étoient contraires, et il n’у avoit pas moyen de gagner l’ancrage. Ils continuèrent la même maneuvre le lendemain, mais sans apparence de succès, tant que le vent et les courans ne changeoient pas ; ainsi le Commandeur jugea à propos de redoubler ses secours, et leur envoya le Canot du Tryal, monté par des gens du Centurion, et chargé aussi d’eau et d’autres rafraichissemens. Mr. Mitchel, Capitaine du Gloucester, fut obligé de garder ces deux Canots, le secours de ceux qui les avoient amenés, lui étant absolument nécessaire pour gouverner son Vaisseau. Le Gloucester resta quinze jours dans cette situation, aussi cruelle que celle de Tantale ; car il ne put pendant tout ce tems gagner la Rade, quoique plusieurs fois il eût les apparences les plus favorables d’y réussir. Le 9 de Juillet, nous remarquames que ce Vaisseau s’éloignoit et portoit vers l’Est. Nous conjecturames, que son dessein étoit de gagner vers le Sud de l’Ile, mais nous le perdimes bientôt de vue, et il ne parut plus de huit jours, Cela nous donna beaucoup d’inquiétude, car nous ne pouvions douter que l’Equipage ne souffrît extrêmement faute d’eau. Le 16 le Vaisseau reparut encore, tâchant de doubler la pointe à l’Est de l’Ile, mais le Vent qui souffloit directement de la Baye, l’empêcha d’approcher de Terre, de plus près que de quatre lieues. Le Capitaine Mitchel fit signal de détresse, et on lui envoya notre double Chaloupe, avec de l’eau et quantité de Poisson, et d’autres rafraichissemens. Comme nous ne pouvions nous passer de cette Chaloupe, le Commandeur ordonna positivement au Quartier-maître de revenir d’abord ; mais il fit une tempête le lendemain, et comme nous ne vimes pas notre Chaloupe, nous craignimes qu’elle n’eût péri, ce qui auroit été pour nous une perte irréparable. Nous ne fumes tirés de cette inquiétude qu’au bout de trois jours, que nous eumes la joye de découvrir sur