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te brasses d’eau, et presque entièrement à couvert de la violence des ondes, que le vent, quand il est à l’Est, ou à l’Ouest, chasse dans la Baye. Il y a, en ce cas, une précaution à prendre, qui est de garnir les cinq ou six dernières brasses des cables, dans l’endroit où ils tiennent à l’ancre, d’une chaîne de fer, ou de telle autre matière propre à les garantir des frottemens des roches du fond.

J’ai déjà eu occasion d’observer, que le vent de Nord, le seul auquel cette Baye soit exposée, soufla très rarement durant le séjour que nous y fimes ; et comme nous étions alors en hiver, il y a lieu de supposer que dans d’autres saisons la chose est encore plus extraordinaire. Toutes les fois que le vent vint de ce côté-là, il ne fut guère fort ; ce qu’on doit peut-être attribuer à la hauteur des terres, qui se trouvent au midi de cette Baye qui arrêtent le vent, ou du moins en diminuent la force ; car vraisemblablement le vent étoit bien plus fort à quelques lieues au large, puisqu’il nous en venoit une Mer extrêmement haute, qui nous faisoit rudement tanguer. Les vents de Sud, qui règnent ici ordinairement, viennent souvent de terre par raffales avec beaucoup d’impétuosité, mais durent rarement plus de deux ou trois minutes. Apparemment que ces vents, après avoir été arrêtés par les montagnes voisines de la Baye, se trouvant comprimés à un certain point, s’ouvrent à la fin une route par les vallées étroites, qui leur donnent passage, et augmentent en même tems leur violence. Ces boufées fréquentes et soudaines sont cause qu’il est très difficile d’avancer dans la Baye, quand le vent vient de terre, ou d’empêcher l’eau d’entrer par les Ecubiers, quand le Vaisseau est à l’ancre.

Le côté Septentrional de l’Ile est formé par des montagnes hautes et escarpées, dont plusieurs sont inaccessibles, quoique la plupart soient couvertes de Bois. Le terrain y est léger et peu profond ; et l’on y voit souvent de grands arbres mourir ou être renversés par le moindre choc, faute de racines. Un de nos Matelots fit à ce dernier égard une triste expérience ; car en parcourant ces montagnes à la quête des Chèvres il saisit un arbre, qui étoit sur une pente, pour s’aider à monter. L’arbre cédant, le Matelot roula de la montagne, et quoique pendant sa chute il se fût accroché à un autre arbre, d’une grosseur considérable, l’arbre fut déraciné comme le premier, et le Matelot fut écrasé en tombant sur des rochers. Il arriva pareillement à Mr. Brett, dans le tems que, pour se reposer, il s’appuyoit le dos contre un arbre aussi gros que lui, et situé