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rions qu’il s’adouciroit après que nous aurions doublé ce Cap, mais nous eumes la douleur d’éprouver que la Mer Pacifique, ne nous étoit pas plus favorable, que les Mers orageuses qui entourent la Terre de Feu. Etant arrivés, le 8 de Mai, à la hauteur de l’Ile de Socoro, qui étoit le premier rendez-vous de notre Escadre, et où nous espérions de trouver au moins quelques-uns de nos Vaisseaux de conserve, nous croisames en cet endroit pendant plusieurs jours, pour les y attendre. Non seulement nous eumes le chagrin de n’y en voir aucun, et d’être par là confirmés dans l’idée, funeste, qu’ils étoient tous péris ; mais nous fumes encore dans une appréhension continuelle de périr nous-mêmes, et d’être jettés sur cette Côte rude et escarpée, dont l’aspect seul nous remplissoit de terreur. La vue, dans un lointain assez enfoncé dans les terres, étoit bornée par cette prodigieuse chaine de Montagnes, couvertes de neiges, nommée les Согdilléras, ou les Andes, et la Côte ne paroit qu’une suite de rochers stériles, terminée par un rivage bordé de précipices. A la vérité, on y voit un bon nombre de Bayes, qui avancent dans les terres, mais l’entrée en est embarassée de plusieurs Iles ; et quoiqu’il soit très apparent qu’on trouveroit des mouillages fort sûrs dans plusieurs de ces Bayes, et des Canaux commodes pour y parvenir, cependant comme nous n’avions aucune connoissance de cette Côte, si les vents d’Ouest qui y règnent toujours, nous y avoient jettés, c’en auroit probablement été fait de notre Vaisseau, et de nous.

Ce danger, où nous fumes exposés pendant quinze jours, étoit encore augmenté par la difficulté de suffire à la maneuvre du Vaisseau : le Scorbut avoit déja furieusement éclairci notre Equipage, et de ceux qui restoient, presque aucun n’en étoit exemt. D’ailleurs les vents continuoient à souffler avec violence, contre toutes nos espérances, quoique nous avançassions vers le Nord ; et nous avions souvent de fortes Rafales, qui déchiroient nos voiles, endommageoient nos Agrés, et mettoient nos Mâts en danger de rompre. Il est certain, que pendant la plus grande partie du tems, que nous croisames dans ces Parages, les vents furent si violens, que dans toute autre situation, et si nous avions été en haute mer, nous aurions mis à la Cape ; mais ayant sous le vent une Côte inconnue et si dangereuse, nous étions obligés, pour nous soutenir, de porter toujours nos voiles basses et nos Perroquets, Pendant une de ces Rafales, qui étoit accompagnée de furieux coups de Tonnerre, un éclat de feu courut le long de notre Tillac, et se divisant avec un bruit semblable à celui de plusieurs coups de pistolet, blessa quelques-uns de nos Officiers