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du profit, intérêt. L’autre marché est le marché des produits : là se rencontrent les entrepreneurs comme vendeurs et les propriétaires fonciers, travailleurs et capitalistes comme acheteurs de produits. Ces produits s’échangent, eux aussi, suivant le mécanisme de la libre concurrence ; ils se paient, eux aussi, en monnaie.

L’état d’équilibre de la production, contenant implicitement l’état d’équilibre de l’échange, est à présent facile à définir. C’est celui où l’offre et la demande effectives des services producteurs sont égales sur le marché de ces services, ou l’offre et la demande effectives des produits sont égales sur le marché des produits, et où enfin le prix de vente des produits est égal à leur prix de revient en services producteurs. Cet état est un état idéal et non réel ; mais c’est l’état normal en ce sens que c’est celui vers lequel les choses tendent d’elles-mêmes sous le régime de la libre concurrence appliqué à la production comme à l’échange. Sous ce régime, en effet, si, dans certaines entreprises, le prix de vente des produits est supérieur à leur prix de revient en services producteurs, ce qui constitue un bénéfice, les entrepreneurs affluent ou développent leur production, ce qui augmente la quantité des produits, en fait baisser le prix, et réduit l’écart ; et si, dans certaines entreprises, le prix de revient des produits en services producteurs est supérieur à leur prix de vente, ce qui constitue une perte, les entrepreneurs se détournent ou restreignent leur production, ce qui diminue la quantité des produits, en fait hausser le prix, et réduit encore l’écart. Remarquons qu’à cet état d’équilibre, on peut faire abstraction sinon du numéraire, au moins de la monnaie, les services producteurs s’échangeant contre des produits et les produits contre des services producteurs, ou, pour mieux dire, les services producteurs s’échangeant, en fin de compte, les uns contre les autres.

Ainsi, à l’état d’équilibre de la production, les entrepreneurs ne font ni bénéfice ni perte. Ils subsistent alors non comme entrepreneurs, mais comme propriétaires fonciers, travailleurs ou capitalistes dans leurs propres entreprises ou dans d’autres. J’estime que, pour tenir une comptabilité rationnelle, un entrepreneur qui est propriétaire du sol qu’il exploite ou qu’il occupe, qui participe à la direction de son entreprise, qui a des fonds engagés dans l’affaire, doit débiter ses frais généraux et se créditer lui-même d’un fermage, d’un salaire et d’un intérêt calculés au taux du marché des services producteurs et au moyen desquels il subsiste, sans faire, à la rigueur, comme entrepreneur, ni